Voici le récit de Philippe, un trailer plus qu’aguerri et excellent descendeur (je sens comme un souffle lorsqu’il me double lors de nos séances d’entrainement), qui vient de vivre une expérience qui devrait marquée les esprits de bon nombre de coureurs (moi le premier !).
« Tout a commencé un samedi après-midi, en compagnie d’une bande de quinquas, dont quelques allemands et belges, tous marcheurs. En effet, ma femme Claudine, et moi devions participer à une marche du club Audax de Nancy. Claudine s’étant lancé le défi de parcourir 50km et moi, très (trop?) sûr de mes capacités, me fixant secrètement la barre des 75, voir des 100km, si tout allait bien dans la nuit…
Ce que nous savions au début, c’est que les Audax marchent à 6 km/h depuis le début, jusqu’à la fin, pour 25 km, 50, 75, 100, 125, 150, 175, 200km et plus… quelque soit la distance qu’ils se fixent, ils marchent à 6km/h, pas plus vite, pas plus lentement, très régulièrement.
Ils le font sur route et gros chemin forestier pour garder leur allure, jamais une pente, un hors piste, un petit single track, que du dur pour garder cette allure…une misère pour de valeureux traileurs comme nous !
Ok, il y a bien des pauses, parfaitement millimétrées, ainsi que des vrais repas chauds pris à table. En fait leur moyenne horaire, pause comprise, est fixée (et tenue) à 5km/h… trop facile pour les coureurs et pratiquants de Nordic que nous sommes !
Donc on s’est pointé avec nos belles baskettes de courses toutes neuves ou presque (2 paires avec un rodage de 200 km chacune quand même, on n’est pas des perdreaux de l’année, n’est ce pas, hein, tout de même ?), nos sacs avec camels, amandes et raisins secs, des couleurs de fringues techniques à faire pâlir l’arc en ciel, et on a marché…. marché… encore marché…. pendant 10h… à la même allure toujours… encore et encore…sans accélérer, ni moins ralentir… et les échauffements sont apparus, se transformant en petite cloques, mutant en de grosses ampoules 300W, pour finir par éclater et inonder les chaussettes…
Rien n’y a fait, ni la NOK, ni les pansements seconde peau, ni le changement des chaussettes ou des chaussures, ni les pauses, rien.
Si : le serrage de dents et le sourire crispé du « pied tendre », chaque fois que quelqu’un nous demandait en souriant, amicalement et sans ironie aucune : « ça va les traileurs ? »
Claudine a finalement remporté son challenge, fourbue mais super heureuse d’avoir réussi sans trop de dégâts. Pour ma part, j’étais bien « trop content » d’en finir et de mettre le clignotant à « seulement » 50km…
Le lendemain, séances de perçages et vidages des « tallures » (terme technique des Audax pour désigner les ampoules), remplissage à l’éosine des même tallures et massages des courbatures sur des muscles et des parties du corps que l’on ne connaissait pour être très actifs !…
Ce que j’en retire :
1) s’il n’est pas rapide, le marcheur Audax est très endurant : il fait 50,100km (c’est à dire 10 ou 20h), voire plus presque tous les week-end, été comme hiver, sans avoir l’air de souffrir, content de retrouver ses pères
2) sous son apparente humilité, le marcheur Audax est très technique : il marche avec des t-shirts en coton, des vieilles baskettes usées jusqu’à la corde, voire en sandalettes. La nuit, il met un simple survêtement Adidas car on n’a pas trouvé mieux pour ne pas comprimer ou irriter quoi que ce soit
3) le traileur aspirant à de longues distances que je suis ferait bien de fréquenter plus souvent le marcheur Audax s’il veut se durcir la carcasse et le pied, en prévision de ces longs moments où il marchera inévitablement en fin de parcours.
J’ai presque 1/4 de la peau des pieds qui est en train de partir suite à ces maousses ampoules… Je me promène au boulot en boitant en tongues depuis deux jours, avec les pieds rouges d’éosine.
Décidément, et sans plaisanterie aucune, je suis bien content d’avoir vécu cette expérience très enrichissante et instructive.
Phil ».
Site web de l’Union des Audax français.