Le 30 juin dernier Gwenaël QUEANT arrive à Halifax, terme de son périple de 92 jours. Ce jeune Costarmoricain, à peine la quarantaine, réalise ainsi un rêve les yeux ouverts ! « Je ne suis pas capable de rester chez moi à rêver d’aventures. J’ai besoin de bouger et le seul échec serait de ne rien tenter ».
Gwen est parti de Vancouver le 31 mars en début de matinée. Dans la discrétion la plus totale, il s’élance pour plus de 6.000km à travers 8 provinces canadiennes.
Pour Wanarun ce passionné, de la course à pied, se livre aujourd’hui à jeu question/réponse sur son exploit.
Laurent- Wanarun : Bonjour Gwen, est-ce que tu peux te présenter rapidement, ce que tu fais dans la vie, ta famille, ta pratique de la Course à Pied en général?
Gwen : Je travaille dans un laboratoire de prothèse dentaire. J’y prépare les modèles en plâtre et je me déplace chez les dentistes pour récupérer les empreintes et livrer les prothèses.
Je suis marié depuis 12 ans et j’ai 2 enfants de 13 et 10 ans. Une fille et un gars, le choix du Roi 🙂
Je pratique la course à pied depuis 2004. J’ai arrêté le foot le 17 mai 2004 et couru mon 1er marathon 5 semaines plus tard. J’ai fait un 100 km en défi perso pour le Téléthon de la même année. Voilà, j’étais lancé.
Laurent- Wanarun : Est-ce que tu as un blog ou site internet ?
Gwen : Oui j’ai un site internet sur lequel vous trouverez toutes les infos: www.trans-canada2011.fr En cliquant sur « INFOS » vous accédez à mon blog sur lequel vous pouvez revivre ma traversée au jour le jour.
Laurent- Wanarun : Venons-en à ce défi, la Traversée du Canada, est-ce que c’est la première fois que tu te fixes et que tu réalises un tel objectif ?
Gwen : Bien entendu, c’est mon 1er défi de cette ampleur. Néanmoins, je suis double finisher de la Transe-Gaule (2007 et 2010), une course de 18 étapes en 18 jours, 1150 km sans jour de repos, 63,8 km/jour, étapes de 49 à 75 km.
Laurent- Wanarun : Comment une telle idée t’est-elle venue à l’esprit, pourquoi avoir envisagé ça ?
Gwen : Tout simplement parce que j’adore le Canada. J’y ai vécu en tant qu’immigrant en 2000-2001. Depuis, ma passion pour ce pays ne s’est jamais éteinte. Ça ressemble même à une obsession.
J’aime cette immensité. Tout y est démesuré. J’avais envie de découvrir toutes les provinces qui séparent le Pacifique de l’Atlantique.
J’avais aussi envie de marquer le coup pour mes 40 ans. Je ne sais pas combien d’années je vais encore pouvoir courir, alors je devais le faire rapidement, pour ne rien regretter plus tard.
Laurent- Wanarun : Peux-tu nous présenter les spécificités de ton projet – combien km – les règles que tu t’aies fixées ?
Gwen : Mon projet était tout ce qu’il y a de plus simple: aller du Pacifique à l’Atlantique. Réussir.
Ensuite, j’avais quelques objectifs, nés de mon expérience sur la Transe-Gaule. 6000 km, ça faisait un compte rond, alors 60km/jour pendant 100 jours, ça semblait sympa… à condition d’y arriver !
Je ne me suis pas fixé de règles à proprement parler, mais j’essayais de garder une moyenne légèrement supérieur à 60km./ jour. Après, si j’avais dû ne faire «que» 59 km de moyenne, je n’en aurais pas fait un drame. Le plus important était d’aller au bout du rêve.
Je voulais tout de même faire tout ça sans jour de repos. Alors, malgré un blizzard de tous les diables le 30 avril (20 km parcourus, seulement), j’ai aussi réussi ça !
Finalement, je réussis la traversée en 92 jours, sans jour de repos, à 65,35 km/jour de moyenne.
Sur un plan sportif, c’est une réussite totale.
Laurent- Wanarun : Et quant à ton organisation technique, humaine, l’assistance sur le parcours, le choix de l’itinéraire, etc etc. ?
Gwen :J’ai acheté un camping car en Colombie-Britannique puis je l’ai revendu en Nouvelle-Ecosse.
J’ai toujours eu un suiveur avec moi, Sébastien Barraud, créateur de « Courtoujours.fr », qui m’a accompagné pendant les 60 premiers jours, puis un 2ème, Ottmar Ladel, légionnaire en retraite, a pris la relève pour le reste.
Le choix de l’itinéraire s’est fait quasiment au jour le jour. De toute façon, c’était parfois, pendant des semaines, la même route….
Laurent- Wanarun : Comment as-tu géré la préparation, tous ces entrainements avec ta vie de famille ?
Gwen : Comme lors d’une année normale, sauf que j’ai couru quasiment tous les jours avant mon départ pour le Canada. Je n’aime pas me lever tôt pour courir, alors j’y vais le soir en rentrant du travail. Parfois, ma femme et mes enfants avaient fini de manger quand je rentrais, mais j’essayais tout de même d’être là pour les repas. Je ne fais pas non plus de sorties longues. Lorsque je m’entraine en semaine, c’est toujours plus de 10 km mais jamais plus de 15. Et si je dois faire une sortie longue, c’est le dimanche matin.
Laurent- Wanarun : Sur un ultra on ne s’alimente pas seulement avec des gels, alors comment as-tu géré ton alimentation mais aussi ton hydratation ?
Gwen : Pas de gestion particulière ! C’est mon suiveur qui a mis ça en place. Je lui ai fait confiance dès le début, profitant de son expérience passée sur une traversée Aubagne – Athènes. On a ensuite amélioré les choses par petites touches en tenant compte également des conditions météo particulières. Un ravitaillement tous les 6 à 8 km en moyenne, avec soit de l’eau, soit un thé, soit un soda. Il alternait comme il voulait. Avec cela, il me faisait parfois des petits sandwiches (pain de mie, jambon, tomate, concombre) ou des morceaux de barres de céréales, bananes…. J’ai la chance de pouvoir tout avaler, sucré ou salé, n’importe quand, sans jamais avoir les intestins dérangés.
A mi-étape environ, je stoppais pour prendre une soupe avec des nouilles chinoises, plus une entrée « surprise » préparée par mon accompagnateur. Cette pause, je l’ai gardée tout du long. Plus ou moins longue, 10 à 30 minutes, mais c’était un moment auquel je tenais pour ne pas m’abrutir sur la route avec le chrono. Bien entendu, le chrono tournait pendant ce temps là.
Laurent- Wanarun : Et quant à ton kilométrage quotidien, est-ce que tu as pu tenir ton objectif ?
Gwen : Je m’étais fixé de courir 60km/jour en moyenne, sur 100 jours, pour une distance estimée à 6000 km. J’ai pulvérisé ces chiffres, en tenant, grâce à une fin de parcours exceptionnelle (80 km/jour de moyenne la dernière semaine) 65,35 km/jour en moyenne. J’ai mis 49 jours à courir les 3000 premiers kilomètres, et seulement 43 jours pour le reste…. Avec une dernière étape à 41,6 km, j’aurai pu faire encore mieux.
Laurent- Wanarun : Et maintenant, peux tu nous parler un peu de ton équipement, ce que tu avais de la tête aux pieds, est ce que tu as un sponsor ? – quelles chaussures et combien de paires – est ce que tu as couru sur différents types de surface ?
Gwen : J’ai été équipé grâce à un autre coureur à pied longue distance, Christophe Vissant qui prépare une traversée de 3 continents (Marseille – Cairn, en Australie ! ), qui m’a expédié tout un lot de vêtements de son équipementier. Cuissards, maillots manches longues, manches courtes, sans manches, veste ultra confortable, chaussettes et bas de contention….
Une marque de vêtements contre le froid dont j’ai rencontré le patron la veille de mon départ, Pascal Demerseman d’ AKAMMAK. J’ai pu ainsi passé sans crainte à travers le froid glacial des Montagnes Rocheuses. C’était une rencontre de dernière minute, mais ô combien précieuse. Bandeau cache-oreilles, cagoule (celle-là à fait preuve de son utilité et de son efficacité pendant de très longues heures !!!), maillots manches longues, cuissards longs, gants….
J’avais aussi de nombreux vêtements COURTOUJOURS de mon pote – suiveur Sébastien.
Une marque connue de manchons de récupération, COMPRESSPORT, m’a également fourni de quoi bien récupérer après les étapes. Je n’avais jamais utilisé ce genre de choses, mais je dois dire que j’ai été bluffé par leur efficacité. Je les ai utilisé surtout au début et lors de journées très longues ou difficiles, qui nécessitaient une récupération plus forte.
Enfin, SOBHI SPORT, dont le magasin de Saint-Brieuc tenu par Nathalie Pelé, m’équipe à moindre coût tout au long de l’année. J’y ai acheté 10 paires de chaussures, en tablant sur 1 paire pour 600 km. J’ai fini à Halifax, avec la 10ème paire au pied…. J’avais vu juste ! Je ne citerai pas la marque étant donné qu’aucune aide ne m’est parvenue de cet équipementier.
Un petit colis de vêtements de course à pied avec Décathlon également, par le biais d’un contact à la base de Lille.
J’ai aussi reçu le nécessaire à pharmacie par Christophe Jouanny de Pontrieux, qui m’a tout offert, plus un chèque !
Le Conseil Général des Côtes d’Armor a aussi apporté son soutien de façon très significative, avec un beau chèque.
La mairie de ma commune (Pédernec) ainsi que son comité d’animation, la mairie de Pommeret, et quelques petites entreprises dont je connais les dirigeants m’ont aussi apporté une petite aide financière.
Pour finir avec les sponsors, il y a tous les gens (amis, collègues, famille et tout un tas d’inconnus) qui m’ont acheté des T-Shirts avec le logo de l’aventure, fait des dons en argent ou soutenu d’une autre manière, qui font partie de l’aventure à juste titre et méritent à cet égard, toute ma considération.
Egalement mon patron qui ma laissé partir 5 mois, ainsi que ma femme et mes enfants qui ont été d’un soutien sans faille avant, pendant et maintenant.
Malgré tout, il m’aura fallu puiser dans les réserves familiales pour boucler le budget. J’ai dû m’autofinancer à hauteur de 50% !
Laurent- Wanarun : Comment on s’entraine pour un tel challenge ?
Gwen : Je n’ai pas d’entraineur ni d’entrainement particulier. Je cours uniquement à la sensation et ça me réussi plutôt bien. J’ai traversé 2 fois la France en 2007 et 2010, alors je suis parti sur des bases que je connaissais bien (plus de 60 km/jour), puis je me suis adapté aux circonstances. En course à pied, je suis très patient et je me mets très rarement dans le rouge. Tant qu’on met un pied devant l’autre, de toute façon, on avance. Je ne suis pas un très bon coureur, mais j’ai un gros mental, ce qui me permet d’aller au bout de ce que j’entreprends.
Pour me préparer à une telle épreuve, je me suis forcé à courir en sous-rythme la Transe-Gaule 2010, en restant frustré le plus souvent possible de la vitesse à laquelle j’allais. Arriver à chaque étape le plus frais possible pour enchaîner le lendemain sans douleurs. Je savais que c’était la condition pour réussir à courir près de 100 jours.
Laurent- Wanarun : Comment peux-tu nous expliquer si c’est difficile de relancer la machine chaque matin ?
Gwen : Bizarrement, hormis les journées galères où j’ai dû composer avec un genou douloureux (étapes 25 à 55), je n’ai jamais eu de problème à démarrer le matin. Mon but était également de profiter de l’après-étape, donc hors de question de finir à l’agonie le soir et de rester enfermé dans le camping-car ! Même avec des journées à plus de 70 ou 80 km, je profitais un peu des soirées. J’avais notamment mon blog à mettre à jour. C’est finalement ce qui m’aura « bouffé » le plus mes soirées car parfois il fallait mettre à jour plusieurs étapes, faute de connexion internet tous les soirs. Entre les photos à télécharger et les résumés à faire en anglais et en français, ça faisait pas mal de boulot.
Laurent- Wanarun : Tu as perdu du poids ?
Gwen : J’ai perdu exactement le poids que j’avais prévu: 10 kilos ! C’est un bon ratio.
En 2007, sur ma 1ère Transe-Gaule, blessé pendant 14 jours sur 18, j’avais perdu 8 kilos en seulement 18 jours et 1150 km ! En 2010, sur cette même course, j’en ai perdu à peine 6.
Laurent- Wanarun : Aujourd’hui avec du recul, quels sont tes meilleurs et pires souvenirs ?
Gwen : Je crois que le pire et le meilleur sont finalement arrivés en même temps: la rencontre avec un ours noir…. Là, devant lui, dans ma tête, c’était en même temps « Yes, j’ai vu un ours ! » et « Merde, un ours ! ». La rencontre a duré à peine 10 secondes qui m’ont paru interminables et grandioses à la fois. Il était 7h30 le matin, il faisait 0 degré, un beau soleil, j’étais seul au monde en plein milieu de nulle part, en Ontario, près du Lac Supérieur…. Mon rythme cardiaque est monté d’un seul coup, comme si j’avais couru la finale du 100 m Olympique ! Ensuite, j’avais hâte de retrouvé Sébastien qui m’attendait 3 km plus loin sans se douter de rien !
Un autre bon souvenir: ma rencontre avec Mike Horn à Vancouver, quelques jours avant le départ. Un des plus grands aventuriers contemporains. Lors de cette rencontre, j’ai senti que j’allais partir vers mon graal avec de fortes de chances de réussite….
Un autre mauvais, mais utile finalement: ma blessure au genou qui aura durée 30 jours.
Laurent- Wanarun : Aujourd’hui le retour sur terre ! Comment le vis-tu ?
Gwen : Je le vis très difficilement. Physiquement et mentalement. De toute façon, les 2 sont liés.
Le mois d’Août a été très bien puisque nous étions en vacances en famille. Mais depuis le 1er septembre, le boulot et la routine ont refait leur apparition. La routine est une machine à broyer les rêves…. Je savais que j’aurai du mal, j’attends que ça revienne. J’ai des hauts et des bas, surtout des bas.
J’ai mis 4 ans de ma vie dans ce projet, alors forcément, je sens un vide immense….
Laurent- Wanarun : Gwen, je tenais à te remercier pour avoir oxygéné notre printemps ! J’ai pris énormément de plaisir à suivre tes étapes et lire tes comptes-rendus. Merci mille fois… Est-ce que avant de nous quitter tu souhaites ajouter quelque chose pour les lecteurs de Wanarun ?
Gwen : « La douleur est un état d’esprit » Et « Les obstacles ont seulement l’importance que vous leur prêtez » Mike Horn.
Bizarrement, cette phrase, je l’avais en tête depuis que j’ai lu Mike Horn et que j’ai ce projet… Belle coïncidence ….
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