Morceaux de peinture rose. Bouts de rubalises. Je cherche. Je tâtonne. Je tente. Je n’ai pas vraiment le temps. Ma frontale tournée en permanence vers le sol pour me montrer la voie. Le sentier que je connais pourtant si bien s’est transformé à jamais. La nuit tout est différent. C’est bien connu. J’essaye de deviner le relief du chemin. Ma lumière n’est pas suffisante. Je vois bien le sentier. Mais en surface seulement. Chaque foulée est un risque. Un appui qui s’enfuit et c’est la chute assurée. Des petits traits de peinture fluorescente nous indiquent les dangers. C’est déjà ça. Mais une racine, un caillou, un creux, un trou, une flaque plus profonde… tout est source de danger, la nuit.
Et sur une distance courte, on ne peut pas s’arrêter constamment. Il faut fermer les yeux au danger. Il faut s’envoler et croiser les doigts. Les bénévoles sont visibles de loin. Gilets phosphorescents. Ralentissement au virage. Appui raté et corps qui vacille. Déséquilibre. Je n’entends plus que mon souffle. J’essaye de trouver les bruits de mon adversaire. L’écart se creuse. Si peu. Je me retourne. Une lumière dans la nuit. Je ne veux pas la voir. Au loin un stade est éclairé. Il inonde la vallée d’une légère clarté. Une aubaine. Un petit pont qui glisse. A droite. A gauche. Je tente le sentier de tous les côtés. La pluie a rendu la course encore plus dure. Il ne faut plus y penser. Déclinaison, déclivité, dénivelé, ces mots tournent dans ma tête comme une litanie. J’ai les cuisses en feu. Plus que quelques mètres. Le raidillon de la mort. Et puis la ligne au fond et les lumières de la salle. Lumières de mon cœur celles-ci. J’entends les cris et les voix.
La nuit tout est si différent. L’instinct animal prend le dessus. Le coureur se transforme en batman du trail. Le super-héros des temps modernes.
Une course de nuit ; c’est une porte ouverte sur le paradis !