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Impressions post Petite Trotte à Léon

Mathieu Reizer


 

Je vous avais présenté début août une course un peu particulière avec ses 245 km, ses 21000m de dénivelé positif et par équipe de 3 : la Petite Trotte à Léon. Et l’interview d’un des participants, Julien, m’avait permis de découvrir et partager avec vous comment on pouvait être amené à prendre le départ d’une telle épreuve. Et visiblement, elle a été aussi difficile que prévue : sur 55 équipes inscrites, les résultats officiels indiquent que « seulement » 19 équipes ont terminées au complet, 12 équipes réduites à 2 coureurs et 6 coureurs en individuel. A ceux-là s’ajoutent des équipes, complètes ou non, ayant terminées par le tracé de l’UTMB. En un mot, ce fut sélectif.

Malheureusement Julien n’a pas fait parti des finishers, une douleur aux reins à la mi-course en a décidé autrement. Mais malgré un goût d’inachevé, Julien a bien voulu revenir sur le déroulement de la PTL et nous livrer ses impressions sur sa course et sur la PTL en général.

Vu la difficulté de l’épreuve et la préparation énorme que cela a demandée, tu ressens probablement un sentiment de déception et de frustration. Mais avec le recul, tu retires quand même du positif de cette aventure ?
C’est effectivement une énorme déception. Evidemment, il y a toujours des points positifs. Je me suis fait plaisir sur la première moitié : les paysages étaient superbes et les passages techniques amusants. J’ai réussi à apprécier pleinement la situation pendant quelques instants, simplement courir librement au milieu des Alpes sans aucune arrière-pensée. Pas si évident quand en fait le temps est limité et qu’il faut constamment prendre des choix stratégiques délicats.
J’ai aussi appris pas mal sur moi-même. En particulier, je pense que j’en ressors plus fort mentalement. Dans les courses réellement non-stop comme l’UTMB, le mental joue une part importante, mais ça reste une grosse « poussée » vers la ligne d’arrivée. Sur la PTL, comme on s’arrête un peu pour la nuit, c’est difficile de voir les choses comme ça. Il faut alterner entre des phases d’auto-motivation qui peuvent être stressantes et des phases de repos aussi complet que possible, ce qui complique le travail mental. Sur le plan physique, je me suis rendu compte à quel point une nuit de seulement 4 heures est réparatrice.

Fort heureusement, tu t’es vite remis de ta douleur aux reins, mais tu sembles regretter ta décision d’abandonner. Tu ne penses pas qu’à plus de 2500m d’altitude, dans un confort précaire, cela aurait pu s’aggraver et qu’au final, tu as pris la bonne (mais difficile) décision ?
C’est le sujet de discussion récurrent depuis que je suis rentré 😉 . Oui, ça aurait potentiellement pu s’aggraver, mais non, je ne pense pas avoir pris la bonne décision. La bonne décision n’était ni de redescendre (ce que j’ai fait, donc), ni de continuer. La bonne décision était de s’arrêter pendant une heure et de juger après. En ultra, on ne s’arrête pas sur un coup de tête, c’est une erreur de débutant. Une heure, ça n’est rien du tout quand le temps final est estimé à 110 heures et que le but est simplement de finir. C’est équivalent à s’étirer pendant 2 minutes sur un marathon de 3h30. Je le savais. J’en étais conscient au moment des faits. Mais j’ai pris une pause très courte et j’ai décidé rapidement. Je pense que j’étais stressé par le fait de ralentir le reste de l’équipe et je voulais leur donner une chance, que l’un d’entre eux a pris avec succès.

Qu’est ce qui t’a le plus surpris lors de cette épreuve : la difficulté du parcours, la gestion de l’équipe, la stratégie de course… ?
Permets-moi de répondre dans un ordre légèrement différent.

La difficulté de l’épreuve ne m’a pas surpris du tout. L’organisation a été très claire la-dessus dès le début : le terrain est beaucoup plus technique que sur l’UTMB, avec des passages assez exposés, parfois équipés de chaînes ou de câbles et des traversées d’éboulis hors sentier. Un certain nombre de coureurs ont donné l’impression d’en être surpris. Certains comme moi ont aimé, d’autres moins.
La stratégie de course est fondamentale. En particulier la gestion des pauses est assez complexe, et c’était une nouveauté pour moi. Premièrement, il s’agit d’optimiser la vitesse globale, c’est à dire choisir une fréquence et une durée de pause optimale pour ne pas « perdre » de temps inutilement, tout en étant suffisamment frais pour courir à bon rythme. On avait prévu 4 heures par nuit, deux repas de 20 minutes par jour et quelques autres pauses. Deuxièmement, il y a des passages techniques et/ou présentant une navigation délicate qui sont moins évidents de nuit. Il s’agit donc d’évaluer la difficulté de ce genre de sections, d’estimer le temps perdu à les traverser de nuit, et finalement de décider s’il ne vaut mieux faire une pause plus longue avant le-dit passage par exemple, plutôt que de se fatiguer inutilement dessus de nuit et finalement arriver (presque) au même résultat. D’autres choix stratégiques sont aussi à prendre en compte comme par exemple manger et/ou dormir en refuge ou bivouaquer ? Tout cela rend la course en peu plus intéressante. Je savais que ça ne serait pas évident, donc ça ne m’a pas surpris non plus.

La gestion de l’équipe a été un problème majeur pour « The Chameleons », et je dois avouer que ça m’a surpris. Je ne m’attendais pas à une symbiose parfaite, mais je pensais que ça collerait à peu près. Nous ne connaissions pas assez avant la course. Les trois membres, sous couvert « de simplement vouloir finir la boucle » avaient en fait des motivations assez différentes. La différence de niveau, en particulier en descente a aussi donne lieu à du stress inutile. Un des coureurs était relativement lent en descente. L’autre était très stressé par cette lenteur. Et moi au milieu, anxieux de ne pouvoir régler ce « problème ». Une telle course génère assez de tensions « individuelles » (fatigue musculaire et mentale, problèmes digestifs, tendinites, stress des barrières horaires, stratégie, …) que l’ajout de tensions entre membres est suicidaire. Idéalement, l’esprit d’équipe devrait au contraire aider à réduire les problèmes individuels.

La façon dont la course est organisée m’a aussi un peu surpris par sa simplicité et convivialité.

Justement, dans les médias, on a entendu parler de l’UTMB (et de Kilian Jornet) mais peu ou pas des 3 autres courses organisées en parallèle. Toi qui as déjà participé à l’UTMB, vois-tu des différences côté coulisse entre ces 4 courses ?
Je n’ai couru ni la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix (98km +5600m)) ni la TDS (Sur les Traces des Ducs de Savoie (105km +6700m)), mais ces deux courses sont organisées exactement comme l’UTMB. Etant donné que ce sont plus ou moins des demi-UTMB, et qu’elles ont été créées après l’UTMB, elles sont naturellement moins mentionnées dans les médias. La PTL est complètement différente des 3 autres. C’est une tentative de « retour aux sources », avec un support différent de la part de l’organisation, et un parcours plus sauvage.

Alors que l’UTMB est un événement de masse, avec un balisage quasi-autoroutier et des ravitaillements conséquents tous les 15km, la PTL est beaucoup plus confidentielle. Pas de balisage, mais une trace GPS à suivre. Seuls quelques points de ravitaillement sont assurés, pour la plupart des points initialement prévus pour l’UTMB/CCC/TDS. En contrepartie, le suivi est beaucoup plus personnel et continu : toutes les équipes sont munies d’une balise GPS/GSM qui permet au PC de course de suivre toutes les équipes 24h/24.

Généralement, l’organisation bien rodée de l’UTMB contraste avec le coté plus intimiste et humain de la PTL : changements de dernière minute, discussion avec les organisateurs des meilleurs choix stratégiques, etc… Une confiance accrue des organisateurs : pas de caution pour la balise GPS, pas de photos pour prouver que l’équipe était au complet en tous points du parcours.

Je pense que si je devais organiser une course moi-même, ça serait beaucoup plus proche de la PTL que de l’UTMB.

L’année prochaine, tu penses retenter l’expérience ou c’est encore trop tôt pour te décider ?
Oui, je pense retenter, mais à condition d’arriver à former une équipe soudée.

Pour tourner la page PTL, tu te prépares de nouveaux défis pour la fin d’année et l’année prochaine ?
Le marathon Nice-Cannes devrait clore l’année en douceur. Au printemps prochain, peut-être la Tamise de bout en bout (295km) non-stop.

Encore merci d’avoir répondu à mes questions et à bientôt sur la Côte d’Azur.

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