Samedi 6 Décembre/6h14/Km 0/Play list:Raggamuffin/Salah Sue
Me voilà arrivé sur le parking du Palais des Sports de Gerland, un peu à la bourre, le rendez vous étant fixé à 6hOO. Avant d’aller saluer mes partenaires, je badigeonne mes pieds de Nok, enfile les boosters, chausse les Hoka et me voilà fin prêt pour la photo. Un bonjour à des silhouettes que je ne reconnais pas dans l’obscurité qui enveloppe les lieux et je me glisse dans le groupe. Le conseiller ministériel, Stéphane Chassignol, lui même en chair et en os, est présent pour l’immortalisation de ce moment, il est vrai historique. Quelques minutes avant 6h30 le départ est donné sur la ligne d’arrivée. Soyons clair tout de suite, je ne vais pas vous refaire pas le coup de l’explication technique et détaillée de ce qu’est la 180, pour les nouveaux, reportez vous au compte rendu de l’année dernière, vous y trouverez toutes les informations nécessaires. Je démarre tranquille, en queue de peloton, plutôt serein car je sais plus ou moins ce qui m’attend et je n’ai pas cette fois la pression d’avoir à ramener des images (A voir et revoir le film de Théo «La Nuit des Lucioles» : https://www.youtube.com/watch?v=XHFlIZANbsU ). Comme l’année dernière, l’idée c’est de se caler sur le rythme du groupe tout en en étant le plus économique possible, afin de se préserver pour le «retour».
Samedi 6 Décembre/7h32/Km 9/ Play list: Whole Lotta Love/ Tina Turner
Je rejoins Anthony notre «Maitre du Temps» (bref, notre meneur d’allure) en tête du groupe, avant d’attaquer la montée vers Chaponost. On quitte Lyon, sa banlieue (Et oui Lyon a aussi une banlieue, et n’est pas uniquement celle de Saint Etienne, question football ), même si l’on est toujours sur le bitume et que l’on ai eu droit à un passage dans le «Parc Aventure « de Ste Foy les Lyon, on va commencer à utiliser des chemins et progresser dans un environnement plus typé campagne. Anthony me signale que nous sommes dans les temps (à 5m près) mais qu’il ne va pas falloir traîner. Même si cet «aller» se fait dans la pure tradition des Off, à savoir sans chrono, il reste malgré tout important de respecter un horaire, ne serait ce que pour pouvoir profiter des pauses et afin d’arriver au plus tôt à Saint Etienne.
Samedi 6 Décembre/09h54/Km22/ Play list: Shining night/Willie Rosario
C’est la queue à la boulangerie de Soucieu! Nous voilà à notre premier « ravitaillement », dans les temps. La traversée du Furon, les chemins en single nous y amenant, ainsi que la remontée vers Soucieu se sont bien déroulés. Les prévisions étaient plutôt alarmistes concernant l’état du parcours, mais mis à part quelques passages un peu gras, pas de difficultés particulières, ce qui a permis de conserver un bon rythme. Le jour se levant, j’ai pu découvrir mes partenaires, qui était qui, et commencer à échanger quelques mots, notamment avec David, chaussé de «Five Fingers», ces chaussures minimalistes qui vous permettent de ressentir directement le sol. A nous deux nous sommes les extrêmes, en termes de chaussures dans le groupe, lui le minimaliste et moi le maximaliste avec les Hoka. A Soucieu, Il fait gris, froid, une petite bise finit de nous geler et ce n’est pas la délicieuse tarte au flan qui nous incite à prolonger la pause. Anthony, un oeil sur le chrono, en profite pour rameuter la troupe plus tôt que prévu et nous revoilà parti vers les hauteurs des Monts du Lyonnais. Question forme et état, pour l’instant tout va bien, je n’ai pas eu besoin de forcer la cadence, pas de douleurs ni de gène et mon choix de 3 couches ( un maillot technique près du corps, une veste et un coupe vent) m’ont bien protégé du froid et de l’humidité. Ceci étant, je rajoute une épaisseur avec une micro polaire et après avoir ajusté mes nouveaux gants (avec une protection type moufle imperméable), je suis prêt à affronter les conditions qui devraient être plus hivernales. Tout est donc OK, sauf la batterie de mon téléphone, quasi vide, qui m’oblige à abandonner le suivi de notre périple pour wanarun via twitter.
Samedi 6 Décembre/ 12h28/Km 37/ Play list: Sushi/Cocoons
Je passe en tête du groupe, le chemin qui grimpe à St André la Côte est finalement moins dévasté que l’on pouvait le craindre. Raviné certes, avec des passages boueux et quelques bonnes caillasses, mais on peut l’aborder à un bon rythme après le passage au ravito (encore désert à cette heure) de Saint Genoux. La cadence est imposée avec rigueur mais aussi toute en souplesse par Anthony (il sait y faire le bougre) ce qui fait que le groupe reste dans le « timing». La neige fait son apparition dans les sous bois et plus on monte, plus elle recouvre le chemin. Je peux même secouer quelques flocons de mes chaussures, qui sont devenues couleur « boue ». J’aime ces instants ou l’on progresse dans cet environnement, silencieux, au coeur d’un paysage hivernal. Je suis seul avec quelques longueurs d’avance sur le groupe, mais je sens la présence de mes compagnons, j’ai le sentiment de partager ce moment avec eux, même si je ne les vois pas. Mon corps ne souffre pas de l’effort, ni des conditions (en clair, je n’ai mal nulle part), pour un peu je me mettrais presque à trottiner alors que la côte est quand même sévère. C’est la magie de la 180, les émotions que cette aventure procure m’enveloppent et je frissonne plus de plaisir que du froid. Dommage, ces sensations disparaissent brutalement quand débouche 2 quads sous mon nez!!!
Samedi 6 Décembre /14h19/Km 46/ Play list: La Yegros/Viene de Mi
La bise souffle entre les pans de la tente du ravito de Saint Catherine, tout le monde est emmitouflé et c’est frigorifié que nous dégustons les douceurs gastronomiques du buffet. L’ambiance n’est pas aussi enjouée que l’année dernière mais cela est du au fait que le chauffage n’est pas encore installé (voilà, on lui avait bien à Anthony qu’on allait trop vite) par les bénévoles de la Saintélyon. Par contre, en ce qui concerne l’accueil et le service, c’est toujours le top. La famille Cuinet, Biscotte assurent comme des chefs, ils sont vraiment les rouages essentiels à la réussite de la 180. Je savoure le pâté (Berrichon?), la charcuterie, le tout arrosé d’un petit coup de rouge. Après un petit thé avec quelques sucreries et avoir rangé les cadeaux de Noël (une frontale Led Lenser SEO5, un dossard pour l’Ultra Boucle de la Sarra) dans le sac, me voilà prêt à repartir. On aimerait bien prolonger ce moment ou l’on peut bavarder avec les uns et les autres, en toute décontraction, sans avoir un oeil vigilant ou l’on pose les pieds ou à analyser une douleur ou une sensation bizarre, mais il reste encore beaucoup de chemin et les conditions ne vont pas aller en s’arrangeant.
Samedi 6 Décembre/16h18/Km 54/Play list:Netseweh sifassan nagh/Majid Soulah
Inédit! Nous empruntons le sentier sur la gauche en quittant la route, au dessus du hameau du Moreau. L’année dernière cela avait été impraticable quel qu’en soit le sens, à cause de la neige et des congères qui s’étaient formées. Le groupe continue sa progression sur un rythme qui convient à Anthony, il n’a toujours pas sorti le fouet et même si je le l’aperçois fréquemment regarder avec fébrilité son chrono, son visage ne semble pas marquer d’angoisse ou doute sur nos capacités à rester dans le tempo. Il fait encore jour, nous devrions rejoindre Saint Christo juste avant la nuit. Les sensations sont bonnes, je ne ressens ni fatigue, ni lassitude. Fidèle à ma « stratégie », après avoir fréquenté le fond du peloton jusqu’à Soucieu, désormais je navigue plutôt en tête du groupe. Celui ci semble d’ailleurs plus homogène que l’an dernier, ce doit être la raison pour laquelle nous sommes en avance par rapport à 2013 (Une petite heure). J’ai conscience que je ne bois pas suffisamment, mais comme je m’arrête régulièrement pour aller pisser, je ne m’en préoccupe pas plus que ça. Je reste attentif à rester sur un rythme de foulée ou de marche économique, avoir franchi la barre des 50 bornes (mon record cette année) me conforte dans cette gestion de la course.
Samedi 6 Décembre/ 18h23/ Km 62/Play list:Westbound train/Dennis Brown
Nous avons croisé durant toute la journée, de nombreux coureurs et randonneurs sur le parcours et je ne fais pas particulièrement attention à celui ci, surtout qu’il fait nuit et que nous approchons de Sorbiers. Mais inconsciemment, j’enregistre son allure, son visage. Putain!! C’est Nicou!!! Je stoppe immédiatement et l’interpelle. Il est venu depuis Sorbiers à notre rencontre, en tenue de coureur. Il prend mon pas et on bavarde tout en continuant notre route tranquillement. C’est un vrai moment de plaisir de pouvoir raconter cette journée et d’en partager les sensations, les moments forts avec un ami. Je lui confie mes interrogations, mes doutes, mais aussi mes objectifs (à moins d’un accident, j’irais au bout). On évoque le fait de participer à la prochaine Saintélyon en relais, bref on discute boutique (de quoi peuvent bien parler 2 amis coureurs à pied, sur une course?). On se quitte en bas de Sorbiers, rendez vous demain (à quelle heure?) à l’arrivée. Je rejoins au petit trot mes compagnons, alors que des supporters des Verts nous klaxonne joyeusement en se rendant au stade Geoffroy Guichard, s’ils savaient que dans notre petite troupe se cachent plusieurs supporters de Lyon…
Samedi 6 Décembre/ 23h57/ Km 72/ Play list: Superfly/Curtis Mayfield
Installé à l’intérieur du sas, je profite du plaisir d’expliquer, sous l’air ahuri de mes voisins, que j’ai déjà fait la moitié de la course et que je possède un avantage non négligeable sur eux. Une fois qu’il ont admis que je ne leur racontais pas des crasses, je sens dans leurs regards et leurs attitudes, une admiration et un respect qui me donne une incroyable sérénité avant de m’élancer pour le retour. C’est tout juste si je ne sifflote pas en installant mes écouteurs tout en faisant quelques mouvements d’étirements. Nous avons atteint la ligne d’arrivée/de départ à 19h50, près d’une heure plus tôt que l’année dernière. PE et toute sa petite famille m’attendaient avec couverture et thé chaud. Ils m’ont déposé chez moi (en tant que Stéphanois, cela me permet de profiter d’un plus en terme de logistique pour la récupération ), ou après une petite séance de yoga (merci à Pauline ma prof pour les exercices), un bon plat de pâtes, je me suis mis en mode détente totale devant Miss France (ma préférée c’était Miss Languedoc). L’arrivée de Théo m’a remis sur les rails alors que j’étais en train de sombrer dans une léthargie insidieuse, du genre: » c’est quoi l’intérêt d’y retourner, il fait froid dehors, le parcours va être défoncé, etc… » Il me motive et m’encourage, je me met en tenue, je check mon matos et à 23h30 PE mon chauffeur vient me récupérer et me dépose au départ.
Dimanche 7 Décembre/ 0h09/ KM 73/ Play list: All good/Chaka Khan
Je suis en nage et je stoppe sur le trottoir afin d’enlever ma micro polaire, il fait +2 degrés et les 4 couches sont de trop. Incroyable, à moins d’ 1km du départ, je me retrouve complètement seul sur le boulevard. Je suis parti dans la 1ère vague et en 5mn près de 1000 coureurs m’ont doublés et sont déjà à quelques dizaines de mètres devant. Juste une moto, qui doit faire office de serre file, est postée au milieu de la route et attend, elle doit être là pour communiquer sur l’écart du 1er groupe et son dernier (moi) avec le prochain départ. Je n’ai pas le temps de supputer longtemps que des coureurs déboulent et en moins de 3mn de nouveau 1500 coureurs m’ont dépassé. Imperturbable, je continue tranquillement dans une petite foulée, la musique à fond. Arrivé au carrefour de la Vaure, je repasse en mode marche, il m’a fallu une petite heure pour arriver à Sorbiers, Ca y’est la Saintélyon est lancée. C’était l’idée première, zapper physiquement et mentalement les 72 bornes de l’aller, oublier ce qu’il s’est passé durant la journée pour se plonger dans un autre environnement, une autre course. Maintenant je vais rentrer dans ma bulle, ne penser qu’à une seule chose, avancer, et se projeter sur l’objectif à atteindre, en l’occurrence St Christo, dans environ 10 Km.
Dimanche 7 Décembre/ 1h48/Km 84/ Play list: Paris is a bitch/Biga Ranx Telly
Un coureur me dépasse et me plonge sa frontale dans les yeux, il a du voir le badge 180 sur mon sac et il veut voir la gueule que doit avoir un de ces «illuminés». Mais alors qu’il me pousse de l’épaule, je découvre qu’il s’agit de Jérome, un pote qui fait la Saintélyon. Cela fait près d’une heure que nous avons quitté sorbiers et j’erre comme une âme en peine. Je pense m’être fait doubler par l’ensemble des concurrents de la course et je suis presque surpris que Jérome ne me rejoigne que maintenant, à la sortie du hameau Peyrard. On discute vaguement le coup, le monde, la boue, le froid, mais je me sens tellement dégoutté, sans envie, ni motivation que je les encourage à me laisser, ne tenant pas à leur plomber le moral. Je me suis rarement senti dans un tel état, à me demander ce que je fais là. Je ne suis pas fatigué, je n’ai pas de douleur ou de problème particulier (peut être un peu mal au ventre, histoire de vraiment chercher), mais je me fais surtout chier et j’ai aucune envie, et surtout pas de continuer, d’aller plus loin. Je commence à compter les kilomètres restants avant l’arrivée, ce qui est très mauvais signe, les heures qu’il va me falloir à marcher ou trottiner pour aller au bout. Je sais que les conditions vont se dégrader (il va faire plus froid avec le vent sur les hauteurs après St Christo) et ce que j’ai déjà vu de l’état des chemins jusque ici me laissent envisager le pire. Bref, c’est la loose complète, j’essaye de me concentrer sur la musique, de ne pas voir les concurrents qui continuent de me dépasser, de penser à ces foutus 2 pts dont j’ai besoin pour l’UTMB, de mettre un pied devant l’autre.
Dimanche 7 Décembre/2h32/Km 88/ Play list: Carlito marron/Carlinhos Brown
Alors que je glande sous la tente du ravito de Saint Christo, un thé et un Pims à la main, je tombe nez à nez avec Nico. Il n’a pas l’air bien vaillant lui non plus, le regard vide, il semble à la dérive en se demandant ou il va et ce qu’il fait. On échange quelques mots, mais que peuvent se dire 2 coureurs qui ont déjà plus de 20h d’épreuve derrière eux et qui semblent autant «à la rue» l’un que l’autre. Il m’apprendra plus tard, que j’avais un tête de déterré, ce qui ne me surprendra pas, je me sentais tout à fait comme un «mort vivant». Conscients que nous n’allons que continuer à nous enfoncer si on reste ensemble, on se quitte en se souhaitant « bonne chance ». On sait déjà que l’on ne vivra pas le même final que l’année dernière (on avait terminé main dans la main), doutant fort d’aller jusqu’au bout. Malgré tout, le fait d’avoir retrouvé Nico dans le même état que moi au ravito de St Christo, me donne le surplus d’âme nécessaire pour au moins sortir de la tente et repartir. Et puis quand on abandonne sur la Saintélyon, en général, c’est à Ste Catherine, donc on va au moins essayer de se trainer jusque là bas.
Dimanche 7 Décembre /3h27/ Km 94/Play list: Honky Tonk Women/Rolling Stones
« Honky Tonk Women » résonne dans mes oreilles, je viens de doubler près de 20 coureurs dans la montée qui nous amène au point culminant de la course, au dessus du Moreau. La lampe Ferei à pleine puissance illumine le chemin et les Hoka flottent sur la boue. Bon et bien voilà, typique de l’Ultra, je suis dans un moment euphorique après avoir traversé une très très longue période de doute (c’était même beaucoup plus important que le doute). Bien que je n’ai pas le recul pour analyser ce qu’il s’est passé, j’ai bien compris que j’avais fait une erreur magistrale en voulant partir dans la 1ère vague et que me faire doubler par 90% des concurrents, m’avait ruiné le moral. Dès la sortie de Saint Christo, je me suis retrouvé avec des coureurs de mon niveau et depuis c’est moi qui n’est quasiment fait que doubler et ce changement dans ma course m’a permis de retrouver un mental. Je suis désormais convaincu que je vais aller au bout. Quand et comment? Aucune idée, mais la grande différence, c’est que ce qui me semblait totalement illusoire il y a 1h est désormais une volonté profonde. L’alchimie fonctionne à nouveau, la tête ayant retrouvé une force, elle la communique au reste du corps et c’est gonflé à bloc que je dévale les sentiers en direction de Ste Catherine.
Dimanche 7 Décembre/ 4h05/Km 97/ Play list: Got nobody to love/Terry Timmons
Je suis en compagnie d’une jeune fille qui s’éclaire à l’aide d’une bougie et qui a trouvé auprès de moi le surplus de lumière qui lui manquait. Je me suis rendu compte de l’attrait que j’avais auprès de certains coureurs et coureuses, je ne me l’explique pas trop , surtout la nuit quand il est difficile de découvrir mes charmes naturels. En vieux routier de l’épreuve, je lui explique ce qui l’attend d’ici l’arrivée et passe modestement sur le fait que j’approche les 100 km déjà parcourus, lorsque nous débouchons sur le coin ou se sont installés les gens de Courir pour des Pommes. Je tombe sur Joel, qui ne me reconnait pas tout de suite sous mon bonnet, on échange quelques mots, il m’accompagne en faisant quelques pas avec moi. Je lui raconte que j’ai eu un véritable trou noir, mais que j’en suis sorti et que malgré la difficulté du parcours qui a beaucoup évolué (en mal) depuis le passage à l’aller, j’ai bien l’intention de ne pas lâcher et de terminer. Après un dernier encouragement, il me laisse reprendre ma route dans la nuit boueuse en direction de Sainte Catherine.
Dimanche 7 Décembre/ 4h44/Km 102/ Play list: Should i stay or should i go/ Clash
2 options s’offrent à moi, soit je fonce tout droit en plongeant les pieds dans la flaque géante boueuse, soit je la contourne en prenant le risque d’y laisser une cheville, voir plus, en passant sur le côté, sur la bordure caillouteuse. Finalement je prends le risque de la bordure, en étant au maximum prudent et comptant sur ma lampe pour bien repérer les appuis. C’est limite et j’ai quelques montées d’adrénaline sur des équilibres précaires. Je finis par sortir de ce passage périlleux, qui il y a quelques heures était un sentier roulant et agréable. Le ravito de Ste Catherine s’est bien passé, je ne me suis pas éternisé, un petit thé avec quelques Pims, des morceaux de banane avec un cul de bouteille rempli de coca. J’ai perdu mon gobelet, lorsque un concurrent, qui perdait lui l’équilibre, s’est accroché à mon sac pour ne pas se retrouver par terre. A la sortie de la tente, après un regard mauvais et dédaigneux sur la droite en direction des bus rapatriant les abandons,j’ai envoyé une petite foulée pour traverser le village. 4h38 au ravito, ça va, c’est correct depuis St Christo (environ 1h50 pour cette section), il me faut rester sur ces bases et sur ce rythme. J’apprendrais plus tard que j’ai remonté 60 places.
Dimanche 7 Décembre/6h01/Km 108/Play list: Winter in the sun/Pilooski
J’attaque la descente après la Côte Saint André, le cap que constitue ce village est derrière moi ainsi que la descente du Bois d’Arfeuille. Le Bois d’Arfeuille constitue un des passages mythique de la course, comme l’indique d’ailleurs le panneau placé avant la descente, mais tout s’est plutôt bien déroulé. Je l’ai abordé sans crainte, tout en souplesse, encore une fois la puissance de ma frontale Ferei m’a permis de bien repérer les appuis et de débusquer les cailloux ou autres obstacles sur le chemin. J’ai dépassé pas mal de concurrents que je sentais un peu tétanisés, les qualités d’amorti et la hauteur de semelle des Hoka m’a permis de progresser sans trop ralentir sur les cailloux ou dans les flaques boueuses. Je reste concentré, dans ma bulle, avec la musique. Lorsque je rejoins un concurrent (je ne me fais que très rarement doubler) je jette un oeil pour voir si celui ci n’a pas le badge de la 180, mais je suis persuadé d’être dans les derniers concurrents et certainement celui de la 180. Mon téléphone vibre et je profite que l’on est sur une grimpette pour lire le message de Laurent, mon « frère des Sables » qui m’annonce qu’Arthur serait passé derrière moi à Ste Catherine, cela me surprend beaucoup, à mon avis le Laurent, il n’est pas bien réveillé.
Dimanche 7 Décembre/7h46/ Km 114/Play list: Homenaje a justino/Groupo Savon
J’explique à mon voisin que je connais un raccourci, il sourit, mais ne me suit pas dans la grimpette à côté du chemin.J’ai surement plus gaspillé d’énergie qu’en restant dans la trace. Depuis un moment, je peste contre ceux qui laissent trainer les emballages de gels sur le chemin. C’est incroyable que certains concurrents puissent être de tels porcs et de manquer à un tel point de responsabilité pour agir ainsi. Depuis le ravito de St Genoux, j’ai l’impression que certains endroits sont devenus de véritables déchèterie, alors qu’il est si simple de mettre ses emballages dans sa poche et d’attendre le ravito ou une poubelle pour s’en débarrasser. Sinon, la course continue, j’ai passé St Genou à 6h49, un ravito que je n’aime pas car il y règne une ambiance d’abandon (on y retrouve toujours plusieurs concurrents près de la sortie de la tente, l’air abattu, enveloppés dans leur couverture de survie, attendant la navette). Même si je ne le sais pas, j’ai remonté 260 coureurs depuis Ste Catherine. Toujours le même rituel: Thé/Pimms/Coca/Banane, je remplis mon bidon (je ne bois pas assez…) , un regard circulaire pour voir s’il y a des visages connus, (ce qui n’est pas le cas) et hop je dégage. Je suis surpris car il fait toujours nuit noire alors que l’année dernière j’avais coupé ma frontale à ce ravito.
Dimanche 7 Décembre/ 8h39/ Km 120/Play list: The world is going up in flames/Charles Bradley
Une fusée me dépasse sur la droite! Assez surprenant à ce stade de la course et à ce niveau du peloton. Il fait jour, on chemine dans les faubourgs de Soucieu, le temps que je réagisse, il est déjà à 10 m quand je découvre qu’il s’agit de Gilles. «Oh!! Gillou!!!» Il se retourne et me reconnait à son tour. « Ca va?» «Oui et toi ? » «Je suis en pleine bourre, je t’attends?» «Non! Non! Vas y!» . Il doit être à 13 km/h et moi je marche tranquillement. Ni pour lui, ni pour moi, ce serait une bonne idée de vouloir l’accompagner. Je reste quand même étonné de le voir me doubler ici, je l’imaginais bien loin devant. Finalement, Laurent ne s’est peut être pas trompé, je ne suis pas le dernier de la 180!? Cela me redonne un petit coup de fouet et je mets à trottiner jusqu’au stade de Soucieu. Lorsque j’y arrive, je vois Gilles en ressortir avec toujours le feu aux trousses. Il est 8h50 (encore 200 concurrents de remontés), près d’une heure de moins que l’année dernière. Mais depuis que le jour s’est levé, j’ai un peu le vague à l’âme, mon rythme a baissé et même si je n’ai pas de douleurs bien particulières, je me sens las avec plusieurs élancements dans les genoux. La matinée est calme question météo, on peut même distinguer quelques morceaux de ciel bleu, mais plus de 35 Km dans la boue ont bien usé la machine et le mental est un peu défaillant. Ceci étant, on n’abandonne jamais à Soucieu, il me reste encore l’équivalent d’un semi marathon et pas sur de la route bien plate.
Dimanche 7 Décembre/ 10h21/ Km 129/ Play list: Secret garden/Sway Clarke
La retraite des combattants, c’est ce que m’inspire la scène que j’ai sous les yeux. Des soldats, par groupe de 2 ou isolés, qui avancent claudiquant sur le chemin, après avoir essuyés une grosse bataille et qui s’en retournent chez eux tant bien que mal. En fait il ne s’agit que des concurrents de la Saintélyon, qui au coeur de la grasse matinée pour certains ou de la messe pour d’autres, continuent leur route vers leur graal, l’arrivée, au Palais des Sports de Gerland. Je me sens totalement raccord avec cette image, depuis la remontée du Furon ou du Garon (je ne sais plus, certaines connexions sont HS). J’ai tendance à m’endormir en marchant, c’est plus de la fatigue générale et de la lassitude qu’un manque de sommeil spécifique. J’essaye de garder de l’attention en envoyant des textos (ce qui va me couter ma batterie sur la dernière heure de course), ou bien de trouver des morceaux de musique dynamiques, mais rien n’y fait. La seule solution pour rester éveillé, c’est de trottiner, mais autant les jambes que la tête ne sont pas franchement motivées. Putain! Quelle est longue cette arrivée jusqu’au dernier ravito de Chaponost!
Dimanche 7 Décembre/10h53/ Km 132/Play list:54 46 that’s my number/Toot and the Maytals
Il manque juste un petit coup de rouge, je viens d’attaquer mon 3 ème sandwich au saucisson. Confortablement assis sur la table du ravito, je discute le coup avec une dame qui commence à ranger son stand. D’abord incrédule, elle me questionne maintenant sur les raisons qui m’ont poussé à faire l’aller /retour.A côté quelques concurrents me regardent d’un air bizarre, surtout que j’ai l’air plutôt décontracté et détendu. Je leur montre mon badge «180» pour leur prouver que je ne leur raconte pas des blagues. D’être enfin arrivé à Chaponost m’a revigoré, désormais « Ultima stazione »: l’arrivée! La descente sur Beaunant, la montée de l’aqueduc, le viron dans Ste Foy, la descente sur Lyon, on traverse la Saône, le Rhône et c’est le parc de Gerland. Ca devrait le faire, pour une arrivée vers 13h/13h30, soit encore 2 bonnes heures pour les 10 derniers kilomètres. Cela peut paraitre dérisoire compte tenu que cela fait plus de 28h que nous sommes partis et qu’il y a plus de 130 Km au compteur, mais justement c’est souvent à ce moment là que c’est le plus difficile mentalement de se motiver, de se relancer pour en terminer. Surtout que je suis seul, l’année dernière, avec mes 3 compères et emmenés par Arthur, les douleurs et les souffrances de la fin du parcours avaient été dominées par la volonté de finir ensemble et de partager l’émotion de l’arrivée.
Dimanche 7 décembre/12h41/ Km 141/ Play list: Alegntaye/Akale Wube
Je lâche mon compagnon de route, rejoint en haut de la montée de l’aqueduc, un néophyte sur la Saintélyon, mais également sur les courses typée trail et sur la distance supérieur au marathon. On a pas mal discuté, je l’ai encouragé à laisser tomber la route (cela m’arrive parfois d’avoir envie de faire du prosélytisme) et cela nous a occupé durant la traversée de Ste Foy et du parc aventure (quelle plaie…). Nous voilà en haut des marches du chemin de Grapillon, sans réfléchir je me lance en petites foulée sans trop me préoccuper des quelques concurrents accrochés à la barrière, qui descendent marche après marche, en mode crabe. Ca fonctionne, bon je ne vais pas dire que je ne ressent rien au niveau des genoux, mais rien qui ne m’oblige à ralentir et c’est avec un grand sourire que j’arrive au bas des marches et m’engage dans la rue qui mène au quai. Encore une fois merci Mr Hoka et bravo Frank, ton cocktail, patch(Active Patch 4U) et le massage aux 4 huiles essentielles (un mélange découvert dans Ultramag) avant le départ de la Saintélyon a été le bon choix. Bon, allez maintenant, en petites foulées jusqu’au parc de Gerland ou je sortirais le maillot de la 180 et on clôt cette affaire.
Dimanche 7 Décembre/13h02/ Km 143/ Play list: The End/The Doors
Je viens de passer le panneau annonçant le dernier kilomètre, mon maillot de la 180 à la main, quand je distingue une silhouette familière qui vient dans ma direction, c’est Nicou!! Waouh trop cool, je vais terminer avec mon pote. On marche tranquillement quand je vois passer Fred de la 180 qui me demande s’il doit m’attendre? C’est très sympa de sa part, mais je lui répond de finir à son allure. Tout en papotant, on arrive dans la dernière ligne droite, Nicou me laisse pour se mettre sur le côté et je trottine jusqu’à l’arrivée que je franchis en 13H13’ et 17 secondes (j’ai raté le coup parfait de 4 secondes). Photo avec le maillot de la 180 et je poursuis mon chemin jusqu’au Palais des Sports en tapant les mains des spectateurs dont Véronique, Fred, Anik, Philippe et Margaux. Pas d’arrivée main dans la main avec des partenaires de la 180, mais des amis et la famille qui viennent m’accueillir, c’est fort également. Je passe sous l’arche dans le Palais des sports en brandissant le maillot de la 180, ça y’est j’ai obtenu ma 2 ème étoile de la 180!
Dimanche 7 Décembre /14h39/ Km 144/ Play list:Heroes/David Bowie
J’ai du mal à garder les yeux ouverts, je pioche dans mes frites tout en avalant la dernière bouchée du hamburger «spécial Ninkasi». On est installé confortablement, je savoure ces moments ou l’on relâche tout, avec le sentiment de satisfaction d’avoir atteint l’objectif. Entouré de mes amis avec qui je partage ces moments est une récompense magnifique pour avoir été au bout de cette aventure humaine. La performance sportive est certes là, mais ce qui reste, ce sont ces émotions, ces sentiments vécus durant près de 31 heures. Je termine ma bière avant d’étouffer un énorme baillement, ce fut toutefois bien plus difficile que je l’aurais imaginé. La boue est finalement beaucoup plus épuisante que la glace ou la neige. Je n’ai pas la lucidité pour analyser ma course, mais je pense que cette édition fut plus éprouvante que la précédente. Avant de sombrer totalement, je me dis que je me suis aussi offert avec cette 2 ème 180, la possibilité d’un autre défi, fin Aout 2015…
La 180: 13h20 pour les 72 km de l’aller et 13h13 pour les 72 du retour.
Frank