Tout d’abord je tiens à vous remercier pour vos petits messages la veille du marathon car sans votre soutien, j’aurais certainement abandonné. En lisant la suite vous allez savoir pourquoi.
Déjà, rapide flash back sur les semaines et les mois précédents le marathon. Deux mois avant le marathon, j’ai une tendinite suite à un 21km réalisé dans le cadre de l’entrainement. J’ai du mal à m’en débarrasser mais plusieurs visites chez l’ostéopathe et des massages adéquat, grâce aux conseils de notre ami Daniel, en viennent à bout. Ensuite j’attrape la grippe, je suis pratiquement 15 jours sans courir et je vais mettre assez longtemps pour recouvrer mon énergie. A ce moment là, je ne me crois plus du tout capable de courir un marathon. Puis finalement, la date approche et après quelques bons entrainements où je tiens bien mon allure marathon et même mieux, j’y crois !
Tout a commencé il y a moins de deux ans. Dans la salle de sport que je fréquente, il y a une affiche pour un trail de 10km. Mon époux me dit que ça va être dur, étant donné que je ne cours pas plus de 20 minutes sans finir rouge comme une tomate. Mais 9 mois après, je cours le semi de l’île Maurice et comme je ne fais jamais les choses à moitié, je décide de tenter l’aventure, un an après, du marathon, dans le seul objectif de le finir. Donc si il y a deux ans on allait me dire que j’allais aimer la course à pied et courir un marathon je ne l’aurais jamais cru ! Ca c’est vrai, et j’écris cela pour moi, pour relativiser la suite.
La semaine précédent le marathon, j’arrête tous les cafés, les coca, je me couche tous les soirs à 20h, même si je ne m’endors que vers 23h. J’évite de penser à l’épreuve qui arrive, je fais presque comme si le marathon n’allait pas exister. J’évite d’en parler, je ne prépare rien.
Nous allons en famille et avec des amis à l’hôtel, un hôtel à 10 minutes du départ… très bien sauf que la chambre est super bruyante avec club de jazz et boîte de nuit. ahhhhh… Vers 23h, mon époux, Mr Run, sort en caleçon sur le balcon et demande à des gens « je ne voudrais pas faire le rabat joie mais demain on court un marathon et on a besoin de dormir »… Le sommeil ne vient pas, je surfe pas mal et je tombe sur le message de Vincent sur la page Facebook de wanarun 🙂 Merci !
Mon amie qui est là, et dont le mari va courir avec brio son premier semi-marathon (spéciale dédicace lol) pendant que je vais tenter mon premier marathon, me dit pendant la soirée au restaurant que je suis méconnaissable. OUI, je suis en pleine panique, le trouillomètre à 100 000 depuis que j’ai vu « en vrai » les montées du parcours quelques heures auparavant. Put1 c’est vraiment pas plat cette affaire là…
Le départ
Le réveil sonne à 5h alors que je suis enfin en profond sommeil… c’est toujours comme ça… on n’arrive pas à dormir et c’est quand on dort bien qu’il faut se lever ! On avale le déjeuner infâme de l’hôtel qu’ils nous avaient apporté la veille. Je dis « on » car mon époux mr RUN m’accompagne dans cette aventure et va courir son premier marathon avec moi… c’est une belle preuve d’amour, il aime bien courir mais sans plus, c’est plus un kiteur qu’un coureur…
On arrive 40 minutes avant l’heure du départ. Je vois les coureurs arriver un à un. Certains portent des tee-shirt de finisher d’autres marathons comme celui d’Amsterdam. D’autres portent les maillots de leur club. Je compte environ 10 femmes, 50 coureurs max (à vue de nez, je n’ai pas les chiffres officiels)…. Je m’étire consciencieusement. C’est toujours impressionnant de se dire qu’on s’aligne à côté de tels athlètes. Je suis vraiment impressionnée. Les marathoniens, les traileurs, les raideurs ont toute mon admiration car je sais ce que ça représente pour en arriver à ce niveau de ‘fitness’.
C’est le départ… Je ne pars pas trop vite, je fais super gaffe. Mon allure marathon est fixée entre 8,6 et 9 km/h, c’est comme ça que je me suis entrainée et ça devrait me faire passer la ligne d’arrivée avant 5h (le rêve pour une débutante comme moi) je pars à 8km/h sur environ 2 km car j’ai déjà réalisé plusieurs courses et je sais qu’on peut vite se laisser emballer dans l’euphorie du départ. Je suis immédiatement distancée par tous les coureurs. Sauf un qui me colle aux fesses, ce qui ne me dérange pas et me rassure, je ne suis pas seule.
Dès le km2 j’ai des fourmis dans les pieds ! Je ne comprends pas pourquoi. Ca m’était déjà arrivé une fois lors d’un entrainement mais avec d’autres chaussures. Pourtant j’ai fait gaffe à ne pas trop serrer. Mes orteils sont très durs… je me dis que ça commence bien cette histoire là ! Vers le km6 cette sensation disparait. Je suis rassurée, je ne vais pas perdre mes orteils lol. A moins de 10km ça serait vraiment couillon. Plusieurs fois pendant la course je sens mes orteils cogner contre le bord de la chaussure, comme si elles étaient devenues trop petites, alors qu’aux entrainements et même en sortie longue c’était impeccable ! Je gonfle de partout pendant la course. Même mon alliance se met à me serrer. Je me dis que la prochaine fois, rien que pour les sorties de plus de 3h, il me faudrait une taille au-dessus, mais je vais flotter dedans alors !
Le semi est impecc, je suis dans les temps
Je suis très contente, je me sens bien, je suis dans les temps de mon bracelet d’allure et jusqu’au 15e km environ et malgré les montées. Je marche dans les montées et je cours dans les descentes mais sans dépasser les 10,5km/h en descente, j’ai peur de me griller, même en descente, je contrôle. Toute la première partie du marathon, je gère bien. C’est trooooop bon ! Chuis troooop forte ! A ce moment là, jusqu’au km15 je pense vraiment que je vais tenir mon allure marathon. Je me sens super bien, je suis optimiste.
Au km5, le marathon fait une boucle et je vois tous les coureurs me dépasser. Ils m’encouragent et m’applaudissent, ça me donne des frissons, c’est trop bon. C’est ça l’esprit du running : le premier qui encourage le dernier. C’est trooooop beau !
Le gars qui était derrière moi me dépasse vers le 10e km environ. Il est marrant ! Il m’intrigue : il est bodybuildé, porte des fringue de fitness et n’a rien. Pas de ipod, pas de montre, pas de gourde, rien !! Un truc de fou pour moi, il m’impressionne vraiment et il arrivera au bout, de ravito en ravito il ira au bout… impensable pour moi. Ca ne me dérange pas qu’il me dépasse car j’aime avoir un lièvre que je peux suivre pour m’accrocher… sauf qu’entre le 15e et le 20e kilomètre, monsieur muscle, je le perds de vue…
Je suis super bien, en rythme avec mon ipod, j’ai de super bonnes sensations, je suis à 9km/h et je me dis que rien ne va m’arrêter et que je vais effectivement boucler ce marathon entre 4h30 et 4h45 ! Incroyable pour une mémère comme moi ! Et si mon coach avait eu raison ? lol
Au 20e kilomètre tout bascule :
il pleut, je suis seule avec la voiture balai, j’ai mal au genou et mon ipod me lâche.
Au 20e km, tout bascule, tout me lâche : il y a une montée interminable (il y aura 6 grosses grimpettes pendant le marathon et plein de faux plats). La voiture balai me dit « allez y doucement, là c’est du dur ». Je monte dans cette montée qui finit par un faux plat et là va vraiment commencer l’enfer et ma longue traversée avec la voiture balai… C’est simple elle ne me quittera plus, sera constamment derrière moi, j’entendrai son moteur, ses pneus dans la pluie, je devinerai le regard du conducteur sur mes foulées..
La voiture balai est soit derrière moi, soit à côté, ses warning allumés sous la pluie.
Une tentation constante en même temps : celle de m’arrêter sur le bord de la route et de monter dans cette voiture.
J’ai mal au dessus du genou gauche. Ca devient tout dur et je ne comprends pas. Déjà le fameux mur au 20e km ?? Je croyais que c’était à 30 ! C’est la première fois que je sens ça. Je tapotte mon genou avec mon poing en courant et intérieurement je me dis « tu crois ma pauvre fille que c’est ça qui va t’aider, allez n’y pense plus, oublie que tu as mal » et ça marche assez bien mais j’ai du mal à courir alors à plus de 8km/h pfff. Je n’en reviens pas ! POURQUUUUOOOIIII ? Enfin la douleur passe…
Mon ipod me lâche lui aussi au 20e. Quelle merde moi qui ai horreur de courir sans musique. Je ne sais pas pourquoi. Peut être à cause de la pluie ? Je l’avais bien rechargé pourtant… J’avais bien vérifié ma Garmin et mon ipod la veille… Je le tripotte, je débranche rebranche, rien. Il est mort. Merci la pluie. Le fait que mon ipod me lâche contribue à mon effondrement. Je n’ai même plus la compagnie de mon doux Calogero ! Le conducteur de la voiture balai me parlera bien de temps à autre… mais ce n’est pas pareil !
Depuis le km5 environ il pleut des cordes. J’ai les pieds plein d’eau, mes chaussettes sont trempées, je cours dans des flaques, je ne vois plus rien à travers mes lunettes, ma saharienne me colle dans la nuque. Je finis par la remonter dans ma casquette. Tous ces gestes parasites me coûtent aussi de l’énergie : au lieu de me concentrer sur la course, je me disperse dans des problèmes matériels (pieds mouillés, tee-shirt collant, ipod foutu, lunettes pleines de buée et de traces, saharienne qui me glace la nuque etc)
Après avoir téléchargé ma course sur Garmin connect le lendemain, je vois clairement un effondrement au 20e km. Voilà jusqu’au 20e tout va bien, ensuite tout va mal… même si passé le 21 km, je suis heureuse, je me dis que chaque mètre parcouru va me rapprocher de l’arrivée et je sais que j’ai largement le temps d’y arriver. Je laisse tomber le bracelet d’allure, je m’accroche au fait d’aller la chercher cette médaille, de ne pas revivre le « ferney trail », un trail de 28km que j’ai fini mais hors temps.. mais c’est vraiment dur pour moi de courir seule sous la pluie, sans musique, et avec la voiture balai !
Vers le km25, je crois, je croise la voiture d’une amie qui me dit « courage mr Run t’attend au 30ekm ». Là, je ne comprends plus. Il a déjà fini, il fait demi-tour pour finir avec moi ?? Non en fait, il a eu de telles crampes, les jambes tellement dures qu’il a décidé de m’attendre au ravito pour récupérer et finir avec moi et je crois que ça va me sauver. Même si je vois par rapport au chrono que je suis encore dans les temps pour être marathonienne, le finir en dehors des barrières horaires, je ne crois pas que seule, je l’aurais fait ! C’est très couillon à dire mais ça devient le « marathon de l’amour ». Il écoute mes gérémiades et me pousse jusqu’au bout… mais lui aussi souffre et en a marre. Ses jambes sont toutes dures.
Je vois bien après chaque ravito que les organisateurs attendent mon passage pour remballer tout. C’est normal, ils font leur boulot et les pauvres bénévoles sont sous la pluie eux aussi et ils doivent avoir froid : mais « ça fout les boules ». Vers le km25, une autre voiture balai prend le relai. Le gars me sourit souvent, il semble comprendre mon effort. Il me demande lui aussi si ça va aller. Je lui demande si les ravitos vont m’attendre. Il sourit et dit que oui bien sûr. Je réponds donc que pas de problème, que je suis dans les temps pour finir. Je regarde ma Garmin toutes les 2 minutes… comme si ça allait me faire avancer plus vite..
Ca me fait très plaisir de croiser d’autres amis qui vont m’encourager un peu. C’est bon. Et quand je vois ma fille de 6 ans en voiture qui a les yeux qui pétillent quand elle me voit c’est bon aussi. En même temps j’ai envie de pleurer et de les rejoindre, j’aimerais avoir plus fière allure pour eux. J’ai honte d’être à la ramasse. Franchement je m’excuse les amis, je ne sais plus à quel km ça s’est passé, vous êtes venus exprès… mais je vous ai vu.
J’ai des pensées super négatives… Je croise un chien crevé sur le bord de la route qui pue et je me dis « à quoi bon courir et se dépasser puisqu’on doit tous finir comme ça ! » alors que je devrais penser au contraire « gééénial, j’ai la chance de courir moi, j’ai la chance de vivre et d’avoir la santé ! »
Au 30e km, après une montée qui pour moi est interminable et raide, le long de la route côtière ou les vagues sont déchainées, je retrouve donc mon époux, mr RUN. On repart ensemble. Il me file son ipod vu que le mien est en rade. Il a l’habitude de courir sans musique. Mes jambes sont raides. Je vais commencer à alterner marche et course. Je n’ai pas le mental pour ne faire que courir, comme je l’avais prévu. Je m’en veux de ne pas avoir lu le supplément de JI spécial marathon qui expliquait comment alterner marche et course pour que ce soit efficace, pour moi ça me concernait pas, c’était vraiment pour les grands débutants, les amateurs alors que moi je m’entraine consciencieusement depuis deux ans ! Ce que j’ai pu manquer d’humilité. Je subis mais je ne suis plus seule. Mr RUN est là et nos amis, qui ont fini le semi nous suivent en voiture. Depuis le 20e je continue à essayer d’allonger ma foulée, à rester souple, à me redresser mais je n’y arrive pas. Mon cerveau sait ce qu’il faut faire pour avancer mais mon corps refuse d’obéir ! Pourtant j’étais bien…. au début LOL
Au 35e et au 40e km, je me dis que c’est bon, on a encore une heure je crois pour parcourir 5 bornes lol et terminer ce put1 de marathon lol Mais au 39e km en même temps j’ai encore envie d’arrêter, j’ai mal aux jambes c’est l’horreur, je n’y arrive plus, j’en ai vraiment marre mais je me suis mise là dedans toute seule alors je dois continuer. Lors des ravito, il m’arrive de manger un bout de banane, de boire du coca et de l’eau mais sans m’arrêter, en secouant mes jambes car je sais que si je m’immobilise je ne repars plus ! J’aurai aussi avalé 3 gels en plus de ma boisson énergétique et quelques bouchées d’une barre protéinée qui ne passe pas trop. J’ai bien géré mon hydratation en buvant exactement une gorgée toutes les 10 minutes.
Au 35e km, j’avoue, j’insulte les pauvres scoot qui tiennent le ravito… j’ai vraiment été très grossière… ils ne me liront pas mais je m’en excuse… enfin je ne les insulte pas eux mais je jure…
Les sentiments à l’arrivée
Ca n’en finit plus, l’arrivée n’arrive jamais, elle est cachée derrière une anse, si bien qu’on ne voit que 400 mètres avant la fin. Privilège des derniers, tout le monde nous attend, notre fille vient courir avec nous, la presse nous prend en photo lol et on me propose un massage, que je refuse.
Je suis arrivée, je ne pleure pas. Je ne suis pas vraiment fière de moi. J’ai lu plusieurs fois qu’on se sentait grandi d’avoir couru un marathon…. moi bof, ça ne me fait ni chaud ni froid excepté que j’ai la nausée depuis que je suis arrivée, que j’ai mal aux orteils (les photos de mes pieds à l’issue du marathon sont en ligne sur urun) et que je suis très fatiguée… Pour moi ce n’est pas du tout un exploit. D’autres l’ont fait avant moi et mieux et d’autres le referont. C’est très bizarre comme sentiment. Je ne suis pas du tout dans l’euphorie. Il paraît que ça rend euphorique de passer la ligne d’arrivée… ah bon… Ni triste, ni heureuse. Je l’ai fait, c’est tout et je veux vraiment vous dire que si vous voulez courir un marathon vous pouvez le faire ! Avec un peu d’entrainement, tout le monde peut courir un marathon !
Le plus dur ça aura été toutes ces montées, ne pas pouvoir courir dans les montées et devoir alterner marche et course les 5 derniers kilomètre est un regret car je ne voulais pas marcher pendant ce marathon, la pluie, la solitude, l’envie d’abandonner mais de ne pas pouvoir. Interdit d’abandonner quand 3000 fan sur wanarun vous ont encouragé. Abandonner n’était vraiment pas une option. Et franchement je vous remercie car vous m’avez vraiment porté sur wanarun, vous avez remplacé les spectateurs absents et le manque d’encouragement (même si des amis étaient là bien sûr). Interdit d’abandonner aussi quand votre fille vous attend à l’arrivée !
Pour ne pas craquer, j’ai aussi pensé à ce que j’allais m’offrir si je passais la ligne d’arrivée dans les temps 🙂 Et voilà, c’est fait, j’ai pris rendez-vous pour un blanchiment des dents 🙂 C’est idiot mais cette « récompense » m’a fait tenir aussi.
J’oublie d’arrêter ma Garmin à l’arrivée !
Mon prochain objectif ? Pour moi, ce marathon est un échec : je voulais vraiment le courir tout du long, en plus j’ai explosé l’objectif de temps qu’on s’était fixé. Si mon coach m’encourage à viser un semi l’année prochaine pour améliorer mon temps sur 21km, je me positionne aujourd’hui dans l’optique de refaire un marathon dans un an, un marathon plat et avec des spectateurs. J’ai besoin de recourir un marathon « rapidement » pour faire mieux. Je ne veux pas rester sur un échec. Quand on tombe de cheval on dit qu’il faut vite remontrer, moi c’est pareil.
Ca tombe bien, de nouveaux organisateurs ont mis en place un nouveau marathon qui part où j’ai l’habitude de m’entrainer. Seulement, il n’est pas homologué, mais je m’en fiche !
Sur u-run je fais un point sur l’état de mes pieds après 42 km en Prophecy.
Sur u-run, je parle aussi de ce qui m’a fait tenir, ne pas abandonner : tenir quand c’est dur