Bonjour,
En ce vendredi 26 Aout 2011 me voilà au départ de la « petite soeur » de l’UTMB, la CCC. Pour moi , c’est une première en tant que course de haute montagne, car même en vivant à Saint Etienne et m’entrainant sur les monts du Pilat, cela reste une région de petites collines en comparaison des sommets que représentent les Alpes et la région du Mont Blanc. C’est également un première en ce qui concerne l’Ultra, car mon expérience se limite à quelques trails aux alentours des 40 Km, la Saintélyon(68 km) et une étape longue du MDS (82 km).
Courmayeur 9h30, équipé de tout le matériel obligatoire je patiente au coeur des 1800 partants. Avec Carole, Steph et Michel nous sommes dans le sas du départ de 10h10, tandis que notre champion du team Bled Runner, Malte est dans celui de 10h00. Briefing de l’organisation qui nous annonce que compte tenu de la météo menaçante , ils ont modifié le parcours. Plus de montée à la tête de la Tronche , on se dirigera directement au refuge Bertone , puis jusqu’ à Champex on suivra le parcours original. Pas de montée à Bovine, de Champex on rejoindra la ville de Martigny, puis l’ascension (je ne le sais pas encore, mais le terme est très bien choisi) du col de la Forclaz et redescente sur Trient, pas de Catogne , on atteindra Vallorcine par Les Jeurs. Pas non plus de Col des Montets, ni de Tête aux Vents, mais retour à Chamonix par Argentières et les Tines. Au final , la course devrait faire 93 Km et rester d’un même niveau de difficulté avec 5800m de D+. Personnellement cela ne me dérange pas outre mesure, hormis le fait que j’ai passé des heures à me faire un road book avec des estimations de temps de passages et un planning de ravitaillement perso … Tout ce beau programme tombe complètement à l’eau. Pas grave, on va faire ça au feeling et puis ça évitera tout le stress par rapport à mes temps de passage. Mon objectif est de finir la course sans me faire éliminer par les barrières horaires, barrières qui ont été réaménagées en fonction des modifs du parcours, mais qui ne sont pas plus larges pour autant.2 mn après , je reçois un SMS qui me confirme le nouveau parcours et les nouvelles barrières horaires, notamment l’ultime: Chamonix , arrivée avant 11H20 demain!. Laurent m’envoie un message pour m’informer que la météo annonce de la neige dans la nuit vers 2000m…. Sur la ligne de départ, il fait bon et le soleil brille, je pars donc en tenue « légère »: maillot manche courtes, casquette, et finalement mon 3/4 Raidlight ce qui avec mes boosters m’évitera de prendre un collant. Pour les chaussures, comme prévu, les Brooks Cascadia 6 du MDS.
Courmayeur- Refuge Bertone
10H10, le départ est donné sous la musique de Vangelis et les encouragements de la population de Courmayeur. le moment est très fort et une grande émotion se dégage, j’ai des frissons sur les bras. Premières foulées, on sort du village et l’on quitte le bitume pour attaquer un chemin plutôt escarpé, direction Bertone! On se retrouve en file Indienne et chacun adapte son rythme de marche à son prédécesseur. Parfois un coureur impatient ou plus rapide, remonte la file mais cela nécessite de sortir du sentier et de prendre le risque de se tordre une cheville ou d’accrocher un obstacle, donc en ce qui me concerne, je reste sagement à ma place. Malgré les 3 départs espacés de 10 mn, c’est assez dense et dès que se présente un passage un peu technique ou plus difficile, un bouchon se forme. J’en profite pour regarder le paysage superbe avec la vue sur la vallée et Courmayeur sous le soleil. Je n’aurais peut être plus ce luxe plus tard… Depuis le départ j’utilise mes batons et déjà je ressens l’aide que cela me donne au niveau des cuisses.Pour l’instant , malgré le dénivelé le terrain est sans difficulté , très ressemblant à ceux de mes entrainements dans le Pilat. Après 4,7Km et 779m de dénivelé voilà le premier ravito (juste liquide): le refuge Bertone! Premier controle de la puce et quelques instants après SMS du PC course : 1H20 de course (1337 ème), bon c’est très bien tout ça , mais pour l’instant mon seul objectif c’est Arnuva avant 14H30 (1ère barrière horaire) et c’est à 12 bornes . Il est 11h32.
Refuge Bertone- Refuge Bonatti
7,2 Km, de chemins alternants montées et descentes, c’est plutôt roulant, même si je fais attention ou je pose les pieds, je peux profiter du panorama qui malgré les nuages reste assez majestueux. Bon faut aussi dire qu’ on ne voit pas le Mont Blanc ni les sommets. Je continue régulièrement de m’hydrater. J’essaye de courir le plus possible afin de garder de l’avance sur la barrière horaire car au vu des prévisions météo, de la nuit et des difficultés à venir du parcours, je sais que je vais devoir beaucoup marcher. A 12h50, soit après 2h37 de course, j’arrive à Bonatti. Une petite soupe de vermicelle, un peu d’eau gazeuse et je repars. Selon les sources je suis entre la place 1520 (Laurent) et 1380 (PC course) …..
Refuge Bonatti-Arnuva
5 km toujours roulant qui se terminent par une descente assez technique, je me fais plaisir, mais les cuisses comment à chauffer. Heureusement mes super batons me sécurisent beaucoup. Je double quelques concurrents et terminent dans la foulée d’une fille. Dans la mesure du possible, dans les descentes je suis plutôt les filles, elles sont à la fois audacieuse et prudentes donc efficaces. Tout va bien, ma cheville (gauche) fragile ne me fait pas mal. J’arrive sous la tente du ravito, Il est 13h47, cela fait 3H37 et 17 km de course. Comme je dois être parti d’ici avant 14h30, pas question de s’éterniser…Un peu de jambon, du pain, un coup d’oeil sur les SMS: toujours selon les sources 1060 ème (PC course) et 1146 selon Laurent…. Je suis un peu surpris car je n’ai que 45 mn d’avance sur la barrière horaire et près de 700 concurrents derrière moi….
Arnuva- Grand Col Ferret
Dès la sortie du ravito, le chemin se met à grimper et plus on avance plus le dénivelé s’accentue. Quand je regarde au loin je vois le long serpentin des coureurs qui s’échelonnent sur le flanc de la montagne. J’évite d’ailleurs de trop regarder, déjà pour éviter d’angoisser à la vue de la pente et pour me concentre ou poser mes pieds. J’appuie sur les dragonnes de mes batons et j’avance sans réfléchir, un pied devant l’autre, à mon rythme. Je ne cherche pas à forcer l’allure mais à grimper régulièrement .Plusieurs fois dans la montée, mon prédécesseur stoppe , se range sur le côté pour faire une pause. Je suis concentré à fond sur mon rythme et je me répète sans cesse: »avance! Avance! Pas plus vite, pas moins vite, mais avance, avance!! » On est déjà haut en altitude, il ne faut surtout pas que je m’essouffle. Je commence à sentir quelques douleurs dans les bras et les épaules(les batons…) mais ce qui me rassure c’est que les quadris vont bien… 1h30 après avoir quitté Arnuva, je franchis le col à 2537m d’altitude, ce sera le « toit » de la course. Il y a beaucoup de vent et j’ai des frissons dus à la transpiration dans la montée. On vient de grimper 768m de dénivelé en 4,3 km!!! Cela fait 5h00 que je suis parti de Courmayeur, on a fait 21 km. Nous voilà en Suisse. Maintenant, on va redescendre jusqu’ à La Fouly.
Grand Col Ferret- La Fouly
J’hésite un peu à enfiler une couche supplémentaire, je me dis que plus on va descendre le vent sera moins fort qu’au niveau du Col et finalement je m’engage dans la descente sans rien modifier dans ma tenue. Toujours avec l’aide de mes batons, je pars prudemment car même si le chemin ne semble pas piègeux, un simple mauvais appui et cela peut tourner au drame. Et pas raté, cela ne doit pas faire 1 km depuis le col que dans un virage, ma cheville gauche tourne et je ressens une violente douleur!. Je stoppe illico avant la chute et m’assois sur le bord du chemin. Les coureurs qui suivent s’inquiètent de mon état mais je les rassure en leur disant que ça va , alors que ça ne va pas du tout… au bout de quelques minutes je repars en marchant, puis en trottinant tout en essayant de n’avoir aucun appui sur le pied gauche. Il est impératif que je continue à trottiner car sinon je vais me mettre en situation compliquée par rapport à la barrière horaire (oui je sais ça devient obsessionnel, mais c’est le principe de cette course…). Je passe le controle de la Peule, puis celui de Ferret ou se trouve un ravito « sauvage » avec un jet d’eau organisé par les villageois. Je suis toujours dans un mode de course , mais c’est plutôt bancal. Je commence à sentir un échauffement sous le pied droit, une ampoule est en train de se former, j’ai le genou droit aussi qui devient douloureux . On est toujours en descente et cela devient de plus en plus technique, cela ne va pas arranger mes problèmes…Mais si je ne compense pas sur la partie droite et que ma cheville gauche se retord, cela risque d’être un arrêt définitif…. Avant la Fouly, on est sur un grand chemin large sans difficultés qui me permet de maintenir une allure de trot sans trop forcer sur ma cheville gauche. Je perd un baton que me ramasse gentiment une jolie Stephanie qui m’entraine jusqu’au ravito de la Fouly. Il est 17h03, d’après le PC course je suis 1351 ème. Pour Laurent je suis 1429 ème ( visiblement ils ne sont pas sur la même fréquence…) dans on message il me demande le temps qu’il fait, je lui réponds que c’est bien noir, mais que l’on n’a pas encore eu de pluie et que l’on se dirige plutôt vers une zone claire…Près de 32 km de course effectué, 1/3 de la distance totale, je ne suis pas très optimiste car on arrive à la fin de la journée et de mes prévision des secteurs ou je pourrais courir, j’ai une cheville en vrac et une belle ampoule . Du côté des bonnes nouvelles, pas de douleurs aux cuisses ou aux mollets et 1H45 d’avance sur l’élimination. Direction Champex et comme me le conseille Laurent, je vais me méfier, de quoi je sais pas mais j’écoutes toujours les conseils de Laurent.
La Fouly- Champex
Je profite d’un terrain roulant pour passer un coup de fil à mon ami Nicou que je sais rivé sur son écran pour suivre ma course. On papote quelques instants avant que je raccroche car le terrain se complique et je ne voudrais pas ruiner ma cheville ici, surtout en étant au téléphone, bonjour la honte!. On traverse des petits villages tout propres, tout bien rangés ou madame arrose les plantes et monsieur tond le gazon. Pas mal de partie sur la route, ce qui m’arrange plutôt car ce sont des appuis sécurisants et ainsi j’économise ma cheville et je n’ aggrave pas mon ampoule. Toujours en mode course car on est sur un profil descendant. Après 8 km, je traverse Praz de Fort ou les habitants prennent l’apéro sur leur terrasse en jetant un oeil distrait sur ces dingues qui passent sous leur nez. Un vrai décor de carte postale! L’espace d’un instant j’ai le sentiment que ces villages ne vivent pas sur la même planète ….Un e sorte de décalage intemporelle en dehors de la fureur du monde…C’est la Suisse (avec l’accent)… On enchaine par une montée en forêt de près de 6 km, lors du passage à un controle on découvre dans un lavoir des packs de bières , du génépi et diverses bouteilles qui montre que les bénévoles ont prévu de quoi tenir toute la nuit. Avec mon compagnon de l’instant on choisit de ne pas s’incruster pour éviter toute tentation… Finalement 2H30 après avoir quitté La Fouly, j’arrive à Champex sous les acclamations de la foule en délire alors que le vainqueur de la course a franchi la ligne d’arrivée…. A 47 km de là… Tout de suite ça vous remet les choses en place et ce qu’il reste à parcourir… Il est 19h37, je dois repartir d’ici avant 22h15. Je rentre sous la tente ravito et découvre la longue queue pour obtenir une assiette de pates….!!! Je vais attendre pas loin de 15 mn pour être servis! Après avoir avalé avec plaisir ce plat chaud, je m’équipe pour la nuit et la probabilité de la pluie. Finalement je suis resté dans la même tenue depuis le départ, sans avoir froid. J’enfile mon sous vêtement respirant, ma micro polaire et ma veste gore tex North Face que j’ai finalement préférée au Top R Light de chez Raidligh, le buff MDS à la place de la casquette afin de pouvoir placer la frontale et me voilà reparti.Il est 20h16, je suis resté près de 45 mn au ravito!!! Beaucoup trop long même si j’ai 2h00 de marge sur la barrière horaire.
Champex- Martigny
La nuit est tombée, avec elle le froid et l’humidité, j’ai des frissons alors que je me remet en marche en compagnie d’un concurrent qui m’explique qu’il habite La Fouly! C’est vraiment un local! Il en est à sa 3 ème CCC , mais il n’a encore jamais terminé!! Comme il dit, cela est peut être du au fait de savoir son lit tout chaud si près qui lui enlève sa motivation….?? 1km de route pour sortir de Champex Lac puis on rejoint un large chemin en desdcente et je quitte mon compagnon Suisse. J’installe mes écouteurs et le Ipod et c’est parti pour 13,7 km. J’aime courir la nuit. Pour l’instant le terrain est facile, ma frontale éclaire bien, je peux donc courir sans appréhension. Ma cheville ne me fait pas mal et mon ampoule n’est pas handicapante. Depuis le MDS ou j’ai parcouru plus de 40 km avec une ampoule énorme, je sais que cela ne m’empêche pas de continuer à courir. Avec la musique (je me suis fait une play list spécial CCC) c’est une vrai moment de plaisir. Je rattrape pas mal de concurrents. La pluie commence à tomber. On traverse des vignes avant d’attaquer une longue montée, puis après un long passage sur des roches mouillé ou je progresse très prudemment, c’est la descente sur Martigny. La pluie a redoublée d’intensité et c’est sous un déluge que je pénètre sous la tente ravito. Il est 23h10, 12h58 de course et près de 3h00 pour ces 14 km , mais c’est passé très vite. Bien au chaud et protégé de la pluie ce fut un moment vraiment agréable avec la musique. Je lis un message de mon fils Théo qui me dit de faire un effort pour rentrer dans les 1000 et de ne pas trop boire de Martigny , il a beaucoup d’humour mon fils….Laurent lui m’annonce que la météo prévoit de grosses chutes (de quoi?) jusqu’à 2h00….!! Quand à ma cheville , ça va quand je marche mais dans les parties en descentes je sens des douleurs dès que le terrain est instable.L’ambiance dans le ravito est un peu à la sinistrose, je vois des concurrents affalés par terre, transi de froid . Certains sont toujours en maillot manche courte et cuissard et la météo va devenir encore plus terrible… Je fais le plein de mon camel back et de ma bouteille à la fontaine et j’attaque la montée vers le col de la Forclaz.
Martigny- Col de La Forclaz-Trient
Dès la sortie du ravito, cela grimpe sec, d’abord sur le bitume jusqu’ à la sortie de la ville , ensuite c’est un chemin caillouteux. Juste avant le chemin, une petite halte devant une maison qui a improvisé un ravitaillement. Eau gazeuse, thé ou café chaud, c’est un vrai réconfort ces gens sont vraiment extraordinaires, d’autant qu’il est plus de minuit et que des cordes tombent sur nous. C’est parti pour 8 km, dont 5 d’ascension pour atteindre le Col. Le dénivelé est vraiment important, je retrouve les mêmes sensation que pour le grand col Ferret ,en file indienne, les yeux rivés sur les chaussures du concurrents devant. J’avance en essayant de garder un rythme régulier sans fléchir et sans me mettre dans le rouge. Grosse différence avec cet après midi, d’abord il fait nuit, mais surtout l’orage gronde et se déchaine au dessus de nos têtes. Il pleut à seau, les éclairs zèbrent la nuit, le tonnerre gronde et le vent se déchaine, plus on monte plus la température baisse et malgré mes couches de protection, je suis gelé! Régulièrement on fait quelques passages sur la route en lacets qui monte au col. A chacun de ces passages sur la route, j’imagine une voiture qui s’arrête et qui propose de me monter au col….L’Ipod s’arrête, je ne sais pas s’il est noyé ou si la batterie est à zéro. C’est encore plus pénibles maintenant que je n’ai plus la musique. Je profite de l’abri d’une maison pour enfiler mes gants, car je ne sens plus mes doigts. C’est un mélange de pluie et de neige qui fouette le visage, je dois enlever mes lunettes pour continuer à voir ou je pose les pieds, heureusement ma lampe frontale est puissante et m’éclaire à travers l’espèce de brume qui nous enveloppe. Le sentier grimpe de plus en plus , c’est devenu très glissant car de l’herbe gorgée d’eau a remplacé le sentier. C’est vraiment terrible et j’essaye de me persuader que ce calvaire va bientôt finir. Jamais je n’ai connu de telles conditions de course, oubliées la fatigue et les douleurs, l’environnement hostile a pris le dessus sur tout. Heureusement le cerveau continue d’envoyer les ordres pour faire mettre un pied devant l’autre. Mais qu’est ce que je fous ici? Je me dis que plus jamais je ne viendrais dans la haute montagne. Au bout d’un temps indéfini et d’une nième montée, on débouche enfin au Col de la Forclaz. Je rejoins des coureurs qui se sont réfugiés dans ce qui ressemble à un abri ou est entreposé un bric à brac divers. Il reste 3 km pour Trient. J’essaye de ne pas réfléchir à la situation, j’enfile mon surpantalon imperméable, mon sac est devenu une vraie éponge. Sans mes lunettes je ne vois pas l’heure , il vaut mieux que je ne gamberge pas trop, je renfile mon sac et je ressors dans la tourmente. Même les controleurs semblent impréssionnés par la météo et celui à qui je demande mon chemin semble hésiter à me montrer le sentier qui redescend sur Trient. C’est vrai que juste à côté , je distingue un bus…. je crois qu’à cet instant je n’ai jamais été aussi prêt d’abandonner sur une course. Mais je repense aux messages des amis et je me dis que ça ne peut pas être pire que ce que je viens d’endurer… L’orage semble s’éloigner, malgré les frissons qui me secouent je m’engage dans le chemin boueux.Très vite cela descend et je me retrouve en première position d’un petit groupe. Je suis très prudent, encore plus quand derrière moi j’entend une glissade et que je vois un gars partir dans le ravin. Près de 2 km de descente assez technique avant d’arriver sur le goudron et de rentrer dans Trient ou l’on rejoint le ravito situé vers l’église . Quel bonheur de ne plus avoir la pluie qui me tombe dessus et d’être au chaud! Il est 2h00 du matin, j’ai parcouru près de 68 km.
Trient- Jeurs-Vallorcine
Après 20 mn de pause, 2 bols de soupe, je repars. J’ai lu les messages dont celui de Laurent qui nous encourage tous avant d’aller se coucher. Merci à toi de m’avoir accompagné jusqu’ici. Il pleut moins, la température semble avoir remontée et l’orage s’est éloigné. Jusqu’à Jeurs,le parcours longe la route , je vois un panneau Chamonix 24 Km, c’est la distance qu’il reste à parcourir, mais pas sur la route…. On quitte la nationale et nous voilà parti pour une longue montée sur une route en lacets. Malgré l’aide de mes batons, je n’avance pas très vite, je me fais rattrapper puis doubler par une dizaine de concurrents sur 1 km. J’essaye sans les batons, il me semble que je suis plus rapide, d’ailleurs je rejoins une fille qui m’a doublée quelques instants plus tôt, ceci dit elle a peut être un coup de moins bien….? Enfin arrivé au sommet de cette côte j’ai l’espoir que l’on soit à Vallorcine, mais non ce n’est que Les Jeurs , il reste plus de 4 km de descente!!! J’essaye de rester concentré sur le la course, je sens que mon esprit pourrait lacher et c’est le meilleur moyen de se faire mal. Je dois avoir une tête a mener dans les descentes car encore une fois je me retrouve en tête d’un petit groupe. Ce n’est pas de gaité de coeur car cela demande encore plus d’effort. Ma frontale donne des signes de faiblesse, j’espère qu’elle va tenir jusqu’à Vallorcine, je n’ai pas envie de faire un changement de piles en pleine descente et dans la forêt. Je commence à ressentir de la lassitude, cela fait plus de 18h00 que je suis parti… Je ressent des douleurs dans les cuisses , surtout dans les zones en descentes. Comme on dit je suis dans le dur…. 1h45 après Les Jeurs , on sort de la forêt , on franchit une voie de chemin de fer et après la gare, voilà le ravito de Vallorcine. Il est 4h46, depuis 8 mn j’ai battu mon record de durée de course (18h25 sur la longue du MDS). Au ravito, je décide de le faire version petit dej vu l’heure, aussi je me fais 2 thé dans lesquels je trempe une dizaine de petits LU. C’est trop bon, comme quoi il ne faut parfois pas grand chose pour rendre un coureur épuisé heureux…. Repu et près du poêle je fais le point: j’ai quasiment 3h00 d’avance sur la barrière horaire, il me reste 15 bornes environ, sauf accident ça va le faire. Je vais finir en marchant tranquillement et sans prendre de risques. La lucidité va manquer de plus en plus et la prudence s’impose.
Vallorcine- Argentières
C’est long, ça n’avance pas, sur la bas coté un coureur est assis la tête dans les bras, le regard dans le vide. Je lui demande si ça va? Il hoche la tête! Je continue ma route. C’est le mental qui fait avancer, il ne faut pas que je lache, je me sens épuisé mentalement, vidé et j’ai mal aux cuisses, aux épaules. Comme le terrain est plat et que parfois on est même sur la route, je fais des étirements des bras avec mes batons, j’expire profondément, je devrais en profiter pour trottiner, mais je n’ai plus la volonté. Des concurrents me doublent, mais je m’en fiche, je n’ai aucune ambition de classement, si mon Ipod marchait, je pourrais m’aider avec la musique…Le jour commence à se lever, j’éteins ma frontale, la nuit est passée. On traverse une zone de bungalows, je vois une paire de baton posée contre une porte, peut être un concurrent arrivé depuis longtemps et qui dort dans un lit bien au chaud….Au bout d’1h30, je finis par arriver dans le village d’Argentières. Dernier ravito, plutôt désert, un dernier thé, quelques gateaux trempés et je repars, l’ambiance et la température fraiche ne m’incite pas à m’éterniser. Et puis maintenant il faut en finir, cela dure depuis trop longtemps, rester ici ne fera que rallonger le supplice.Je ne sais même pas si je récupère en étant assis sous cette tente. Je ne pense qu’à une seule chose franchir la ligne d’arrivée. Il est 6h30 et je viens de battre un nouveau record personnel, celui de la distance parcourue :83,5 Km , soit 1,5 de plus qu’au MDS…. Encore 8,7Km… 1H30 annonce les gars du ravito, vu mon rythme je compte 2H00…
Argentières- les Tines- Chamonix
Un long chemin forestier plutôt en descente, qui suit la vallée vers Chamonix, voilà comment se présente la première moitié des 8,7 Km restant avant la « finish line ». Cela ne fait pas vraiment mon affaire car mes cuisses sont devenues très douloureuses dans les descentes, mais même au ralenti j’avance, j’avance et je réduis la distance qui me sépare de l’arrivée. Dans un passage compliqué, ma cheville se tord, la douleur me rappelle que je dois être très prudent et rester concentré, c’est le plus difficile, je n’arrive plus à appréhender les difficultés du terrain.Je regrette de ne pas avoir de GPS pour connaitre ma vitesse et la distance que je parcoure. Je sais qu’il y’a 4,7Km avant le controle des Tines. Au bout d’1h00, le voilà enfin ce controle! Le gars nous annonce : »C’est tout plat et roulant jusqu’ à Cham! » Tant mieux! 50m plus loin démarre un longue côte d’au moins 2 km!!! Plutôt que de maudire le controleur, je me place en tête de mon petit groupe et essaye de reproduire le rythme que j’avais dans les montées du Grand Col Ferret ou lors de l’ascension du Col de la Forclaz: petits pas réguliers, on pousse sur les batons, on ne faiblit pas, on ne réfléchit pas, on ne regarde pas au loin simplement 1m devant pour ne pas avoir un mauvais appui et on attend que le terrain redevienne plat… Notre petit groupe s’étire et je comprends (avec le son des batons) que nous ne sommes plus que 2. Arrivés au bout de la montée, mon compagnon me dépasse et se lance dans la descente en me lançant: » Ca y’est c’est le finish!! ». je ne prends pas sa foulée car mes cuisses protestent et je ne veux pas prendre de risque si prêt du but. Malgré tout, le chemin étant large et sans piège , je trottine et reprend quelques coureurs qui m’avaient dépassé depuis Argentières. On distingue les premières maisons de Chamonix, nous voilà sur la route. Chaque controleur croisés nous encourage et annonce : »encore 1 Km » . Je me remet à courir, les spectateurs applaudissent, nous encouragent. Je remercie tous ces gens, je suis hilare, ça y’est je l’ai fait. J’enlève mon Buff, je me recoiffe, , j’enlève les sangles de mon sac, tire sur ma veste, il faut être élégant pour l’arrivée. La foule est très dense , on est dans le centre ville, j’entends la sono, le speaker qui accueille les arrivants. Les premiers sont arrivés depuis des heures et plus de 1000 coureurs ont déjà passés la ligne, mais les spectateurs par leurs encouragements et leur ferveur me donne l’impression d’être un vainqueur. Dernier virage, je lève mes batons , je passe la ligne d’arrivée!!!
L’arrivée
Il est 8h38, j’ai mis 22h25mn et 56 secondes! Presque 3h00 d’avance sur la barrière horaire! C’est génial, l’objectif est atteint! Je ne réalise pas que cela fait près d’une journée et d’une nuit que j’ai démarré cette épreuve.A chaud j’ai le sentiment d’avoir fait plusieurs courses, d’avoir vécu une multitude de sensations et d’aventures diverses. Après avoir récupéré mon blouson de finisher (quelle horreur, mais je le trouve fabuleux) je m’assied sur le trottoir derrière la ligne d’arrivée et je regarde les yeux dans le vague, les concurrents arriver… J’ai fait la CCC!!!
Frank