Bonjour à tous,
Ce dimanche 1er Juillet, je m’étais inscrit au TGV dans le cadre de ma préparation à l’UTMB. Réputé pour être difficile et magnifique, ce trail de montagne de 73 km s’inscrivait parfaitement dans mon programme. La date tombait idéalement, 9 semaines avant mon objectif de l’année 2012, ce qui suivait les conseils et le plan d’entrainement du Maitre Guillaume Millet, dans son excellent ouvrage: »UltraTrail, Plaisir, Performance et Santé », que je vous conseille vivement. Et tout un symbole cette course tombait également le jour de mon anniversaire!
Je retrouve Malte, compagnon Bled Runner à la gare de Moutiers le samedi après midi et nous arrivons à Pralognan pour le briefing d’avant course. Nous y apprenons que compte tenu des conditions météo, le parcours a été. modifié. Après le le ravito du refuge de Plan sec (CP3) , nous franchirons le col d’Aussois et après sa descente, il faudra atteindre l’Alpage du Riotord (CP4) avant de de rejoindre le final classique par les Prioux. Plus court (61Km) mais au vu des recommandations des gens de l’organisation et de la sécurité, pas plus facile… Sylvain Bazin en parrain de l’édition vient dire quelques mots et nous inviter à assister à sa conférence sur son périple sur le chemin de St Jacques de Compostelle.
Dimanche 4H40, nous voilà avec Malte sur l’aire de départ. Un petit thé (brûlant) et c’est avec 5 mn de retard que le départ est donné. Une petite pluie est présente, mais je pars simplement avec ma veste sur mon maillot 1ère couche. Le Kway est dans le sac (Olmo 20l) avec un maillot de rechange, des réserves de boissons énergétiques ainsi que quelques barres et gels. Je suis équipé en version UTMB « light ». Mon objectif sur ce TGV est très clair, passer les barrières horaires jusqu’a l’ultime à Plan Sec à 13h00 sans forcer mon allure et sans taper dans la machine. Je suis en sortie d’entrainement et je veux profiter du paysage et des plaisirs de la course comme par exemple les sandwichs au saucisson aux ravitos.
Je pars dans les derniers tout en ayant en tête le conseil de Maitre Guy qui l’année dernière s’était fait éliminer dès le Col de la Vanoise en suivant des coureurs trop lents tout en se rassurant au vu de ceux derrière lui… Il pleuviotte légèrement mais cela va cesser rapidement.On attaque directement par une montée très raide jusqu’au village de Fontanettes (1640m) j’utilise la fonction altimètre et la vitesse verticale de mon nouveau bijou, la Suunto Ambit HR. Bien pratique pour savoir combien il reste de mètres d’ascension et avoir une estimation du temps nécessaire pour parvenir au refuge du Col de la Vanoise à 2512m. On a 2h00 pour atteindre le 1er contrôle. Passage d’un torrent puis on traverse le Lac des Vaches, passage emblématique et magnifique du TGV. Le chemin est moins raide et sans passage techniques ce qui permet de profiter du paysage. Je suis à ce stade content de mon choix dans les Hoka (Stinson) comme chaussures. 1er névé sécurisé par une corde, nous sommes au pied de La Grande Casse (3855m), c’est impressionnant et même avec un ciel gris le décor est somptueux. Au bout d’1h47 j’arrive au refuge (Km 7,7). Un verre d’eau gazeuse, un morceau de pain d’épice et je suis reparti. Je renfile ma veste enlevée dans la montée, à cause du vent frais et de l’altitude. J’installe mes écouteurs et branche l’Ipod et c’est parti en petit trot.
Le parcours nous fait longer 2 lacs puis on passe devant un ancien blockauss (Km 11,2). Ensuite c’est un très long pierrier avec d’énormes blocs de rochers. Je reste très prudent car je n’ai aucune envie d’y laisser une cheville. Comme chacun suit sa propre inspiration sur le pierrier je ne crée pas de bouchon. On est toujours à une altitude moyenne de 2400m avec un sentier vallonné. Il y a un peu de soleil et c’est vraiment magnifique, un paysage de haute montagne, très sauvage. On traverse des petits torrents, on se mouille les pieds, mais grace à mes supers chaussettes de chez Compressport, l’humidité disparait très vite. On franchis des passages enneigés ou il s’agit de faire attention aux glissades. Sur le dernier avant la descente au refuge de l’Arpont, je me fais une frayeur car je perds mon appui et commence à glisser dans la pente. Je me vois tel l’apiniste en train de dévisser, heureusement je réussis à me bloquer et à reprendre la trace. Je rejoins la terrasse du refuge (Km 21) à 9h25, c’est bon j’ai plus de 30 mn de marge sur la barrière horaire. J’en profite pour m’assoire et déguster un sandwich saucisson accompagné d’un verre d’eau gazeuse. Je n’ai pas forcé mon rythme, je ne ressens aucune douleur ni fatigue particulière. J’ai pu déjà me rendre compte que j’arrivais à reprendre des concurrents dans les parties de grimpe. Mon allure grâce à mes batons me permet d’être plutôt performant sans entamer mes réserves. C’est une information intéressante pour l’UTMB. 13mn de pause et je quitte le refuge. Sur le plan physique tout va bien, je n’ai pas de douleurs aux jambes ni aux pieds, je ressens simplement un mal de tête qui reste léger et que j’oublie grâce à la musique.
Direction Plan Sec à 16km. Un sentier « balcon » qui est parfois assez large avec des passages bien ravinés , mais les Hoka sont toujours efficaces et je n’ai pas de problèmes avec mes chevilles. Quelques montées assez raides qui confirment que je progresse bien sans avoir besoin de chercher dans les réserves. Je reste prudent dans les descentes et certains concurrents doublés dans les montéees en profitent pour me reprendre. A chaque détour de la montagne on espère être en vue du prochain CP, mais le sentier en balcon continue son cheminement. J’ai un concurrent avec une veste vert fluo en point de mire, notre écart reste stable ce qui me conforte dans l’idée de ne pas chercher à pousser le régime du moteur. Un sentier assez large qui serpente en légère descente me permet de lacher un peu les cheveaux. Je croise plusieurs randonneurs qui s’écarte devant ma vitesse supersonique et c’est la remontée vers le refuge de Plan Sec. Un peu plus tôt, j’ai vu un panneau indiquant 1H00 pour le refuge alors qu’il était 12h00, ce qui signifie que si j’adopte une allure de randonneur je serais, pile poil à la barrière horaire. Finalement je finis par rattrapper la veste vert fluo, c’est une concurrente, nous arrivons ensemble au refuge de Plan Sec(Km 37), il est 12h37. Super 30mn d’avance sur la barrière!! Objectif atteint! Maintenant il n’y a plus de stress sur le timing, il s’agit simplemement d’aller au bout quitte à se faire ça en mode promenade. Je profite de 20’de pause avec mon 2 ème sandwich saucisson du jour, un morceau de pomme et en dessert un bout de gateau accompagné toujours d’eau gazeuse. Le responsable de la course nous met dehors avant 13h et me voilà parti pour ma rando. Tout le monde est ravi d’avoir passé le dernier obstacle horaire. Au détour du chemin, un gars est allongé torse nu, les pieds dans le ruisseau, bref, c’est ambiance vacances à la montagne. Il y a même du soleil et j’en profite pour changer de maillot.
La piste est large, en contrbas on admire le panorama avec les 2 lacs, puis on vire à droite en direction du refuge du fond d’Aussois à 2330m. C’est à partir de là que commence la montée au col d’Aussois. Au début la pente est plutôt douce avec un sentier dégagé et je progresse bien avec mes bâtons. Plus on grimpe, plus la trace devient difficile à trouver et souvent c’est en longeant une ravine que l’on avance le mieux. l’inconvénient c’est que le débit d’eau est important et que très vite j’ai les pieds trempés. Les passages enneigés se succèdent et je glisse et chute fréquemment. Ce qui fait que ce n’est plus que les pieds qui sont mouillés, mais tout le bas du corps. J’ai les mains gelés à force de les poser dans la neige pour garder mon équilibre. Le mal de tête devient violent et je sens que mon souffle est très court….. Je m’arrête dans un recoin de rochers et je mange une banane. Je suis à 2700m d’altitude, encore 200m à grimper. A 10 m à la mn j’en ai encore pour 20mn!!!. Je repars au bout de 5mn, plus on monte plus il fait froid et plus cela devient de l’escalade. Je me sers plus de mes mains que de mes bâtons et je fais plusieurs stop pour retrouver mon souffle. Entre le froid, le fait d’être trempé, le mal de tête, le souffle court, je ne suis vraiment pas bien. Là je regrette mon choix de chaussure qui n’accrochent pas . Bref, rien à voir avec la rando paisible prévue… A 15h00, je passe enfin au col d’Aussois à 2915 m, il m’a fallu 2h00 pour faire 6 Km et 615m de D+….. Un vent violent souffle et finit de me geler. Je suis dans un état de fébrilité et de stress incroyable, je croise le bénévole chargé du coin (le pôvre, il a vraiment pâs tiré le bon numéro…) emmitouflé dans un ensemble jaune. Avec mon bâton je lui demande la direction qu’il me confirme par un geste vague . Je devrais m’arrêter, prendre 5 minutes avant d’entreprendre la descente annoncée périlleuse, mais j’ai tellement froid et avec ce vent comme je suis trempée c’est encore pire de rester ici. Je me maudis de n’avoir pas pris dans le sac mes gants et ma polaire!
Je me lance prudemment dans la descente, plusieurs concurrents se sont abrités dans des recoins et font une pause. Encore une fois je me dis que je devrais les imiter mais à contrario je me persuade que plus vite je descendrais, plus rapidement la température remontera et que le terrain sera moins enneigé et humide. La descente s’avère encore plus terrible que la montée. C’est une successions de ravines, de pierriers, des passages enneigés que je franchis en glissant sur les fesses en priant de ne pas trouver un caillou ou sur les pieds en essayant de ne pas tomber et de garder l’équilibre (merci à mes bâtons). Je fais du ski sans les skis et de la luge sans la luge!!. Les glissades et les chûtes se succèdent, heureusement à chaque fois sans gravité. Dans un passage pierreux sécurisé, je glisse et je me brule la main en voulant garder le prise avec la corde. Plus bas, je chûte et je m’étale dans une flaque de boue. J’étais trempé, gelé, maintenant en plus, je suis remplis de bleus et d’écorchures et pour finir couvert de boue. C’est une évidence le TGV est un trail très très technique. Je manque de lucidité mais je continue à dévaller plus ou moins rapidement et sans aucune maitrise les passages mouillés et instable de cette descente. Je suis en colère contre moi même pour avoir si mal appréhender ces difficultés, pour avoir si mal gérer mes efforts dans la montée et dans cette foutue descente. J’en veux à l’organisation d’avoir choisie ce passage que je juge dangereux, bref je suis complêtement déconcentré et en dehors de ce que je fais alors qu’au contraire la situation mériterait une attention maximum. Je finis par voir la rivière et le petit pont qui symbolise la fin de cette descente et le retour à un chemin « carrossable ». J’arrive sur la berge en position un peu accroupie afin d’aviter une ultime chute, mais je glisse de nouveau et mes pieds viennent buter sur un caillou et je bascule en avant dans la rivière!!!! Ma tête heurte un rocher au fond, je vois les fameuses 36 chandelles et me retrouve assis au mileu du ruisseau!! Mes lunettes sont pêtées et flottent à la surface tandis qu’un de mes bâtons se barrent. Je chôpe le bâton, récupère mes lunettes monobranche, et je me pose sur le rebord du torrent. J’ai plein de sang qui me coule dans l’oeil… Je panique un peu, je sors mon téléphone, je ne vois rien sauf qu’il n’y a pas de réseau! Mais qui je dois appeller? Je prends mon buff et je m’en sers de compresse. J’essaye de reprendre mes esprits. Je constate qu’hormis ce coup vers l’oeil et sur le crâne qui saignent beaucoup, rien n’est cassé. J’étais mouillé sur tout le bas du corps, là c’est la complête avec ce bain improvisé. Sur ce, arrive le concurrent qui me suivait qui me demande si ça va, je lui réponds « pas trop »! Il sort une compresse et sur ses conseils je la pose sur ma paupière. Finalement cela ne semble pas trop grave et on va pouvoir éviter l’hélico de secours. Je finis par me remettre debout, je récupère mes lunettes de soleil dans mon sac qui sont à ma vue, cela me permet de retrouver un certain équilibre. Avec le buff sur la paupière pour compresser la blessure, j’enfile mon Kway pour essayer de me réchauffer et stopper les tremblements qui me secouent tout le corps. On décide de rejoindre le ravito à l’Alpage du Riotord et je franchis avec concentration et angoisse les 2 planches de bois qui font office de pont. Après avoir fait de la course à pied, de l’escalade, de la luge, du ski, je termine par une séance de natation… Ce n’est plus un trail mais un véritable raid!
Environ 2km de sentier que je parcours encadré par mon sauveur breton (je ne connais ni son nom ni son numéro de dossard, mais qu’il sache s’il lit ces lignes que je le remercie vraiment car sans lui je serais peut être encore en train de dépérir sur le bord du ruisseau), c’est le ravito. Le brigadier chef(ou général je ne sais pas) des CRS (celui du briefing) m’ausculte et vu le manque de matériel médical (un bon coup de bétadine quand même pour désinfecter) me propose de me ramener en 4X4 à Pralognan. J’ai repris mes esprits et après les 2 derniers km, certes très tranquillement, l’envie d’être finisher me traverse l’esprit. En plus ca serait mon 1er abandon, le jour de mon anniversaire…. Mais soyons raisonnable, je risque une nouvelle chute ou de faire un malaise et là cela peut devenir très grave. Je n’ai rien aux jambes ni aux pieds, je pourrais continuer avec du repos ma prépa pour l’UTMB. Et puis l’objectif de ce TGV est atteint: passer toutes les barrières horaires! A part pour le fait de franchir la ligne d’arrivée, ça ne sert à rien de prendre un tel risque. Il n’y a même pas de tee shirt « finisher » et je me fiche de mon classement. Le sergent (ou colonel je ne sais pas) me ramène donc au village, on croise les derniers concurrents, mon sauveur breton que je remercie encore et je me retrouve dans la salle polyvalente ou un médeçin me conseille d’aller me faire poser des points à l’hôpital. Quelques heures plus tard, je sors des urgences de Saint Etienne avec 4 points de suture à la paupière et 3 agrafes dans la tête.
En conclusion, ce TGV est sans doute un des plus beaux trails auquels j’ai participé et assurément le plus difficile. J’ai vraiment compris ce qu’était un vrai trail de montagne, ce que m’a confirmé le lieutenant (ou commandant je ne sais pas) des CRS qui m’exliquait aussi la rigueur sur la sécurité et notamment les barrières horaires. J’ai beaucoup appris dans la gestion du matériel et dans celle de la course en elle même sur cette épreuve. J’ai acquis aussi de l’expérience et qu’encore plus qu’ailleurs il fallait faire preuve d’humilité. Malgré mon abandon, je suis satisfait d’avoir réussi mon objectif sans avoir eu besoin de puiser dans mes réserves. C’est une importante information en vue de l’UTMB. Je reviendrais sur ce TGV et j’espère que le parcours repassera par ce ruisseau…
Frank