Amandine Aftalion du Laboratoire de mathématiques de Versailles (CNRS/Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines) et Frédéric Bonnans du Centre de mathématiques appliquées (CNRS/Inria/École polytechnique)(1) ont créé un modèle mathématique d’optimisation de la course qui pourrait conduire à un programme d’entrainements personnalisés selon l’état physiologique de chacun. Il confirme en outre un fait bien connu des sportifs : varier sa vitesse permet de mieux dépenser son énergie et de courir plus longtemps. Les mathématiques offrent ainsi l’opportunité aux coureurs de passer de simples outils de mesures statistiques (2) au conseil sportif personnalisé.
Ce modèle mathématique prend tout d’abord en compte l’énergie du coureur, notamment sa consommation maximale d’oxygène (VO2max)(3) et son stock d’énergie anaérobie(4), en les faisant intervenir dans un système d’équations différentielles reliant la vitesse, l’accélération, la force de propulsion et les forces de frottement. Ce système est couplé à des conditions initiales de départ de la course, vitesse nulle et quantité d’énergie donnée, et des contraintes : l’énergie et la force de propulsion doivent être positives (le coureur ne peut pas reculer). Les chercheurs sont capables avec ce modèle de prédire le comportement que doit avoir le sportif tout au long de sa course au moyen d’un bilan instantané déterminant à la seconde près la vitesse optimale du coureur et l’énergie dépensée depuis le départ. Leur résultat principal montre ainsi que varier sa vitesse permet de dépenser moins d’énergie et de courir plus longtemps. De plus, en comparant ces résultats avec ceux d’athlètes professionnels, les auteurs peuvent également préciser quels paramètres physiologiques les coureurs doivent développer pour s’améliorer en répondant par exemple aux questions suivantes : quels seront les résultats d’un champion s’il avait le poids et la consommation maximale d’oxygène d’un coureur amateur ? Quels sont alors les paramètres que le sportif amateur peut améliorer pour s’approcher des résultats habituels du champion ? Doit-il améliorer sa capacité respiratoire ou son énergie anaérobie ?
Les applications de ce modèle concernent deux types de publics. Dans le cas des coureurs « semi-professionnels » qui n’ont pas l’opportunité de travailler avec un entraîneur ou dans le cadre de cours d’éducation physique et sportive à l’école, les chercheurs souhaiteraient développer un logiciel capable de créer des programmes d’entrainements personnalisés qui indiqueraient les paramètres physiologiques à développer en priorité et de réaliser des stratégies précisant les vitesses optimales à atteindre à chaque moment de la course. Pour les « coureurs du dimanche », le système d’équations étant adaptable à toutes les variables intéressantes pour le sportif (et pas seulement la vitesse), ces derniers pourraient, par exemple, connaître instantanément le nombre exact (et non pas une simple moyenne comme pour les outils existant actuellement) de calories perdues lors de la course afin d’améliorer leur perte de poids.
Les chercheurs souhaitent désormais améliorer leur modèle mathématique en intégrant au système d’équations de nouveaux paramètres comme l’altitude ou l’effet du vent et l’appliquer à d’autres sports d’endurance comme le cyclisme, la natation ou le canoé kayak.
(1)Amandine Aftalion est directrice de recherche CNRS au Laboratoire de mathématiques de Versailles. Frédéric Bonnans est directeur de recherche Inria au Centre de mathématiques appliquées de l’École polytechnique.
(2)Les applications mobiles qui se multiplient actuellement ne recueillent des données qu’à des fins statistiques (vitesse ou distance moyenne) mais ne permettent pas d’améliorer les performances des coureurs.
(3)Lors d’un effort « aérobie » les muscles, grâce au système respiratoire, fonctionnent avec suffisamment d’oxygène pour tirer la majorité de leur énergie. La consommation maximale d’oxygène correspond au volume d’oxygène maximal que le coureur peut utiliser lors d’un effort. Elle est utilisée pour mesurer la capacité respiratoire des coureurs.
(4)La dénomination « anaérobie » est attribuée à l’énergie utilisée par le corps lorsque celui-ci subit un déficit en oxygène. Cette énergie est due à la transformation des sucres venant de l’alimentation.