En 2009, histoire de s’amuser un peu et d’allier sa passion de la course à pied et des voyages Cécile Bertin se lance sur un défi à la hauteur de la coureuse « normale » qu’elle est : courir 7 marathons sur 7 continents en 80 jours. A sa grande surprise cette histoire intéresse les gens, cela les amuse. C’est son côté « comme tout le monde » et le fait qu’elle ne revendique aucun exploit sportif qui plait.
Forte de sa réussite et de l’enthousiasme généré la voilà plongée dans un nouveau défi : Les 4 déserts (Atacama + Gobi + Sahara + Antarctique), enchainer 4 raids en un an. Il n’y a aujourd’hui que 10 coureurs au monde qui ont enchainés les 4 raids dans une année. Si Cécile réussi son projet elle sera la deuxième femme à inscrire son nom au palmarès et la première française.
« Je veux prouver que quelqu’un d’ordinaire, s’il se prépare correctement, peut réaliser quelque chose qui sort de l’ordinaire. Je n’ai aucune ambition si ce n’est celle de me faire plaisir. En partageant mon expérience je ne souhaite en aucune façon me mettre en avant, juste essayer de convaincre les personnes qui me font la joie de me lire qu’il faut croire en soi et ne pas hésiter à réaliser ses rêves, à se lancer.» Tel est son adage.
Régulièrement sur Wanarun nous reviendrons sur sa préparation, ses courses, ses doutes mais aussi ses victoires.
Dans l’attente et afin de mieux la connaitre nous vous proposons ci-dessous le compte-rendu qu’elle à rédigé à l’occasion du dernier marathon de New-York.
J’aimerais tellement faire ce que je lis régulièrement, accuser la météo, l’invasion de sauterelles qui s’est abattue sur New York pile poil au moment où je prenais le départ, que sais-je encore… Ben non même pas… Si j’ai fait ce temps, le pire temps de ma très courte de « carrière » de coureuse c’est parce que pour fêter mon 3ème marathon de NY j’ai décidé de redevenir une débutante et de faire toutes mais alors toutes les erreurs qu’on peut commettre sur son premier marathon !
Je ne compte pas vous faire la longue litanie, miles après miles de ma retraite de Russie qui n’a été que la logique conséquence de mon fracassage mémorable face à la Muraille de Chine mais juste vous donner à travers quelques flashs des souvenirs qui me restent de ce qui reste tout de même un grand moment. Je me vois mal me plaindre, il ne faudrait tout de même pas pousser grand-mère dans les orties surtout qu’elle ne sait pas nager comme on dit par chez moi. J’ai fini, je ne suis pas blessée, j’ai juste tellement aimé l’ambiance que je n’arrivais pas à la quitter on va dire. J’en veux pour mes dollars moi alors je vais profiter de tous les ravitos, tester les toilettes et apprécier, que dis-je deguster miles après miles… Surtout ceux dans Central Park tiens, un par un, bien doucement pour bien mémoriser chaque visage !!!
Pour fêter dignement ce marathon j’ai décidé de commencer par le sud de la France et de tester l’effet convert à fond : je serai donc costumée en miss america sexy comme ils disent sur l’emballage. Je veux vivre au moins une fois dans ma vie ce type d’expérience puisque sur le Médoc c’est quand tu n’es pas déguisée que tu fais tache. Là je ne sais pas pourquoi j’avais dans mon souvenir vu plus de costumes que ça les dernières années. Autant dire que mon arrivée sur le village de départ ne passe pas inaperçue. J’ai d’ailleurs comme l’année dernière eu juste le temps de poser mon sac à la consigne pour me précipiter dans mon coral et passer de justesse. J’oublie la pause pipi de rigueur, pas le temps de toute façon. J’ai quand même 2 ou 3 accessoires « pro » à savoir des manchons skins pour me couvrir les bras (il caille grave !), des compressports sur les mollets pour à la fois tenter de limiter la casse et surtout protéger mes mollets du plastique du costume et j’ai une jupe de running classique en dessous que je ne regretterai pas parce qu’avec le vent j’ai joué les Marylin à plusieurs reprises !
Le départ : que voulez vous que je vous dise… ça reste toujours un grand moment. Hymne de très grande qualité cette année avec un groupe d’américains qui autour de moi se tourne comme un seul homme vers le drapeau qui flotte dans le ciel bleu. Sinatra est là lui aussi comme chaque année et je passe la ligne de départ avec « new york new york » à fond dans mes oreilles. Jusque là tout va bien, je suis euphorique, trop euphorique. Je découvre le double effet kiss cool : je me marre dans mon costume comme une gamine qui va à une soirée déguisée et les américains m’acclament. Pour 90% je vais être « wonder woman », pour les 10 restant je serai reconnue en tant que telle, la version féminine du super héros typiquement américain. Même les coureurs me saluent, m’encouragent, je ne parle pas des dizaines de ceux qui sont venus me prendre en photo, faire une vidéo, j’avance, que dis je, je vole poing levé ! (ouais je sais j’ai peut être un peu abusé…).
C’est quand je vois approximativement mon temps au 10ème km que je me dis que je suis en train de faire n’importe quoi… Je n’ai aucun ravito avec moi et pour résumer la situation sans trop rentrer dans les détails, j’étais plus ou moins dérangée de ce côté-là. Je devais normalement tester les nouveaux produits effinov pour le journal mais je me suis dit que prendre le risque de produits que je ne connaissais pas sur des intestins plus que capricieux, c’était un peu trop dangereux. De toute façon le seul truc qui m’avait fait envie (et j’écoute toujours mon instinct quand je suis malade) c’est un bagel toasté avec du philadelphia cheese. Quitte à être en Amérique, autant y aller carrément ! Après l’après midi cupcake me voilà au petit déjeuner explosion calorique. Ok c’est super bon mais question marathon ce n’est pas non plus la panacée. J’arrive au 20ème km, je meurs de faim…Mon ventre fait le bruit d’un volcan islandais et je comprends qu’attendre le gel distribué au 30ème ou 32ème km, je ne sais plus trop bien, va être terrible à vivre. Je ne sais toujours pas pourquoi je n’ai pas pris ma gourde avec de quoi manger, je n’ai rien oublié en France en plus, j’ai tout à l’hôtel dans ma chambre…
Ca m’apprendra aussi à avoir voulu faire mon intéressante et à n’avoir pas pris de ceinture de ravito pour ne pas gâcher mon costume ! Je ne vais pas rentrer dans les détails de ce qui va devenir mon semi le plus long de toute ma carrière de coureuse parce que ce serait quelque peu ennuyeux pour tout le monde et moi la première… Je découvre aussi à cette occasion le triple effet kiss cool : quand tu es fatiguée, que tu veux marcher un peu et que tu es costumée en super héros et bien le public ne l’accepte pas ! Mais voulez-vous me laisser tranquille dans ma bulle !!! Évidemment il y a le côté encourageant qui est top mais quand tu n’as plus de jus, ben t’as plus de jus et pis c’est tout… J’essaye juste de courir le plus fièrement possible pour donner l’illusion mais c’est bien tout ce que j’arrive à faire.
Tout d’un coup j’aperçois 2 personnes qui marchent devant moi et là je reconnais tout de suite Gloria. Si elle marche à ce niveau c’est que quelque chose ne va pas et tout de suite je comprends qu’elle pleure. Je comprends aussi à sa façon de marcher qu’elle n’est pas blessée mais que ses craintes se sont réalisées, elle est épuisée. Je m’arrête à son niveau et je lui parle. Je tente autant que possible de l’aider moralement. Je sais qu’elle va devoir s’arrêter plusieurs mois pour raison médical et je ne veux pas que son dernier marathon se solde par un abandon. Je l’embarque avec moi et David qui était déjà là se transforme en lièvre pour une brune et une blonde plutôt fatiguées !!! Un grand merci à lui d’ailleurs parce que des mecs comme ça, comme dit la pub on aimerait en croiser plus souvent. Elle repart et je comprends qu’elle ne lâchera plus rien maintenant. Nous allons nous suivre quelques miles mais je craquerai au dernier pont. Je suis vraiment trop fatiguée et je peine trop pour suivre. Central Park est là enfin et mon fiston aussi d’ailleurs. J’ai à peine le temps de lui faire coucou que je continue ma route. Il faut en finir le plus vite possible, ce n’est pas mon jour, aucun souci avec ça mais là je veux juste rentrer à mon hôtel prendre une douche !
La ligne est là, ma médaille autour du cou, ma couverture de survie sur les épaules et surtout oh miracle de la nourriture !!! C’est la première fois de ma vie que je mange tout ce qu’on me donne, barre protéinée comprise. Même les bretzels ne feront pas long feu c’est moi qui vous le dis. Comme j’avais eu la bonne idée de glisser 10$ dans mon sac, je fonce me chercher ma bouteille rouge histoire de faire le plein de sucres rapides.
Le retour à l’hôtel sera long, trop long lui aussi mais petit miracle de ce type de course où vous avez pourtant 40 000 personnes vous tombez sur un visage connu. Moi ce sera Sophie qui fait partie de mon groupe Planet Tours. Ah Sophie… Le genre de femme qui vous rassure sur la nature humaine, que du bonheur. Elle a une zénitude face aux évènements que je lui envie à un point qu’elle ne peut même pas imaginer. Tout en marchant je lui fais part de mon inquiétude : et si Sandrine ma colloc était encore dans la salle de bain quand j’arrivais… Moi qui donnerais mon royaume, mes bottes rouges et ma robe pour une simple douche ! Et évidemment j’ai à peine dit ça que nous la croisons toute pimpante et toute propre qui part à l’attaque des magasins new yorkais ouverts le dimanche. Je lui demande si tout s’est bien passé et elle me répond qu’elle s’est blessée, qu’elle a eu mal dès le 5ème km mais bon qu’elle a fini. Et en combien ? « ah 3h13… ouais je sais j’aurais pu faire mieux ».
C’est bien simple j’ai d’abord cru avoir mal entendu !!! Mais je partage ma chambre avec la vraie wonder woman en réalité !!! 3h13, blessée… sur NY en plus… mais c’est qui cet avion à réaction ??? Bon avantage notoire de la situation : j’ai eu la salle de bain pour moi toute seule !!!
Je retrouve fiston à l’hôtel et comme c’est maintenant la tradition pour moi nous allons au Palace dévorer un club sandwich et des frites parce que oui j’ai encore faim.
Conclusions de ce marathon, ce 3ème pour moi à NY :
– ok le 3 n’est pas mon chiffre porte bonheur !
– j’étais vraiment très heureuse de revoir Gaelle et je regrette que Véro et Stella ne soient pas venues nous rejoindre.
– Il faut que j’arrête de prendre mes marathons à la légère comme ça… je le paye cash et ça fait mal aux jambes et au moral
– Courir déguisée aucune doute c’est top, ça l’est moins quand tu te retrouves disqualifiée pour non fonctionnement de la puce pour cause de sur bottes rouges et interdite à vie de marathon de NY. Je fais comment pour prendre ma revanche un jour ?
– Un bagel au philadelphia cheese ne vaut pas un gâteau de Babou !!!
– Stress à haute dose n’est pas forcément compatible avec marathon serein. J’ai perdu mon portable dès mon arrivée et ma première nuit à NY s’est passée pieds nus (au grand dam du concierge qui voulait absolument que j’aille mettre des chaussures !) à ne pas dormir rongée par la perte de mon joujou préféré. Tout n’est pas négatif puisque cela m’a permis de rencontrer Claude, coureur belge égaré lui aussi dans le hall, puis son épouse, puis son groupe de copains avec qui je ferai mon 2ème diner dimanche soir ! Ben quoi… j’avais faim…
– Toujours mettre une jupe de running sous sa robe de Captain America pour ne pas montrer ses fesses à la terre entière !
– Le gel au chocolat quand tu as faim c’est trop trop bon !!! J’aurais presque fait demi tour pour retourner en attraper un autre.
– Arrêter de donner des conseils sur la gestion d’une course à une fille qui fait 3h13… t’as juste l’air ridicule après…
– Et surtout commencer à préparer ses courses un peu sérieusement quand même !
– Bref suivre les conseils que je donne quoi…