Cimetière de Pianos, du jeune romancier portugais Jose Luis Peixoto (Ed Grasset 2008), n’est pas un livre dédié à la course à pied. Loin de là. C’est le très beau récit à deux voix de la vie d’une famille portugaise du début du XXe siècle, famille désertée par la joie et plongée dans un deuil quasi-permanent. Récit énigmatique, difficile à suivre et qui ne se dévoile que très très progressivement après avoir parfois égaré le lecteur. Mais, pourquoi donc parler de cet ouvrage sur Wanarun et quel est le rapport avec la course à pied ?
Francisco Lazaro, voilà le rapport ! Vous ne voyez toujours pas ? Vous n’avez pas de mémoire ou quoi ? Francisco Lazaro, c’est ce coureur portugais, l’un des favoris de l’épreuve, qui s’effondra mort au 30e kilomètre du marathon des JO de Stockholm en 1912. Et bien Francisco est l’une des voix du narrateur et le roman s’articule, non pas autour de chapitres, mais autour des funestes kilomètres que parcourut le malheureux marathonien.
Dans le roman, Jose Luis Peixoto, imagine un Francisco qui pense avoir trouvé la Martingale, avec un grand M, en s’enduisant le corps d’une graisse qui facilite sa pénétration dans l’air. Et effectivement, les premiers kilomètres lui donnent raison mais il fait chaud ce jour-là en Suède, très chaud …
Page 262 : « Des groupes de coureurs me dépassent. Je ne sais quel vent les porte. » … « je suis plus fort, plus fort et plus grand que la fatigue. Il y a longtemps que je connais l’instant où le corps dit : arrête, arrête. Mes jambes ne s’arrêtent pas. Arrête, arrête. Mais je continue à balancer les bras de part et d’autre de mon torse, comme si je donnais des coups de poing à l’air, comme si je luttais avec l’air et le rendais toujours plus faible, toujours plus proche de céder. »