Qu’on se le dise, les toilettes, et davantage encore les toilettes-dames sont à l’organisation des courses pédestres ce que la numérotation est au Code civil, la pâte à choux à une pièce montée et la rime au poète : sans elles l’œuvre est gâchée !
Eu égard au peu de considération qui semble animer nos gentils organisateurs à prévoir des lieux d’aisance en nombre suffisant, il m’apparaît tout à fait indispensable de rappeler à ceux-là, les constantes physiologiques supportées par le genre humain :
* Contrairement à une idée communément reçue de nos édiles municipaux et d’une majorité d’argentiers chargés des questions d’hygiène, les Français — et a fortiori les Françaises — ont des besoins naturels ! Oui, oui, vous lisez bien ! En dépit de ce que pourrait faire accroire l’absence de toilettes dans nombre de lieux publics (mais non chez nos voisins européens ou d’outre-atlantique) les citoyens Français ont une diurèse totale quotidienne moyenne de 0,8 à 1,5 litres ainsi que des selles dont le poids moyen est de 150 g. qu’ils évacuent en se rendant 3 à 5 fois aux toilettes par jour.
* Ces chiffres qui se rapportent à la moyenne des Français doivent être considérablement majorés chez la population des coureurs, compte tenu de l’importance de l’hydratation pré-compétitive, et de la particularité de notre alimentation (nous mangeons souvent mieux que nos contemporains non sportifs et donc consommons davantage de fibres lesquelles viennent majorer le volume de nos selles).
* A ces constantes purement physiologiques, doit venir s’ajouter le facteur stress qui nous conduit plus directement au petit coin qu’un documentaire sur les chutes du Niagara !
Il convient par ailleurs pour être complet de prendre en considération les modifications tant métaboliques que du transit qui se produisent durant l’épreuve elle-même :
* La mobilisation de nos réserves de glycogène provoque ipso facto une libération d’H²0 dans une proportion qui n’est pas négligeable : (plus de 3 grammes d’eau pour 1 gramme de glycogène dont 2,7 g. libéré lors du déstockage et 0,6 g. formé par sa combustion). Si une partie de cette eau est évacuée par la sudation, une autre partie va transiter par votre vessie.
* Pour les épreuves longues (et d’autant plus que les stocks de glycogène ne sont pas éternels), la survenue d’un état de déshydratation et notamment celle intéressant la muqueuse intestinale peut conduire les coureurs à se mettre urgemment en quête de commodités, feuillées au pire, cabinets au mieux !
Bref, qu’il s’agisse de solide ou de liquide, il est pour le moins prudent de soulager vessie et intestins avant de prendre un départ, et donc de disposer de vespasiennes permettant aux participants de tout sexe de s’isoler à cette fin.
Enfin, il existe chez les femmes des contraintes mécaniques et posturales que l’on ne peut passer sous silence :
* Sans qu’il soit indispensable de faire un dessin, chacun comprendra que le recours à la position assise ou accroupie associée à la pudeur qui entoure dans nos sociétés modernes la sphère du séant, impliquent que les femmes s’isolent en des lieux clos quand leurs homologues masculins (du moins s’agissant d’évacuation vésicale) se postent qui entre deux voitures, qui contre un mur, voire un lampadaire !
* Enfin, et c’est loin d’être un détail, la course à pied par ses rebonds et l’augmentation de la pression intra-abdominale ainsi provoquée, est à l’origine, pour 49% des pratiquantes intensives, d’une incontinence urinaire dite d’effort. On comprend dès lors combien il est important pour les concurrentes de procéder impérativement à une vidange vésicale avant l’épreuve !
Si ces données sont connues, force est de constater que les organisateurs — du moins en France — ne semblent pas vraiment en prendre la mesure… Il n’est pas rare de voir la file devant les « toilettes-dames » serpenter sur des dizaines et des dizaines de mètres tel un long ruban de cavaleuses contraintes de sautiller sur place en guise d’échauffement au lieu d’enchaîner des déboulés à proximité du départ…
Combien sommes-nous à avoir tourner les talons devant cette porte littéralement prise d’assaut et à abandonner pudeur et hygiène publique pour se planquer derrière une providentielle benne à ordure (10 km de Paris Centre), une haie mal taillée (les berges de Conflans) ou quelques malingres arbrisseaux (la course du château de Vincennes ou celle qui mène de Paris à Saint Germain). Sans oublier de décerner la palme de l’inorganisation à la Balade de Riquet version 2008 où, avec un départ en plein centre ville, aucun lieu d’aisance que ce soit n’avait été mis à la disposition des concurrents !
Pourtant, il suffit d’avoir assisté au départ d’une course aux États-Unis pour savoir que les solutions existent… Il n’est pas inintéressant de constater qu’il y a plus dix fois plus de toilettes au départ du triathlon d’Alcatraz (2.000 concurrents) qu’au semi marathon de Paris (27.000 participants)…
Je sais bien que le coût de ces sanisettes de location n’est pas indifférent dans les droits d’engagement que supportent les concurrents mais franchement entre un T-shirt XXL dont je n’ai l’usage qu’à l’occasion de grands travaux de peinture et des toilettes accessibles au départ de l’épreuve, je choisis sans la moindre hésitation la seconde proposition !
Bref, il y a fort à parier que lors de mes prochains compte rendu de courses, je vous entretienne du nombre de W.C. ou encore des minutes passées à faire le pied de grue devant une porte close…