Celui de l’été indien avec short et t-shirt, lunettes de soleil et casquette ou celui annonciateur d’un hiver rude avec ses premières neiges, enfin bon on ne croise pas non plus à chaque bout de chemin, Pierre Petitpierre en train de descendre des pins de 30 mètres de haut pour chauffer son intérieur douillet de trappeur canadien émigré au fin fond de la Lozère.
Il peut, et ce fut le cas, prendre l’aspect humide et venteux de ce que les météorologues« parisiiieng con » appellent un épisode cévenol…Il pleut beaucoup ou peu mais il pleut tout le temps pendant 2 à 3 jours. Le Lozérien sait que derrière cette pompeuse appellation, il y a là, une agréable façon de taquiner les voisins du dessous que sont les gardois et les héraultais, en les immergeant sous 4 mètres de flotte, enfin je m’égare.
Ici l’eau tombe, elle emprunte les chemins et sentiers, forme des cascades dans les montagnes, gonfle les eaux des rivières déjà en eaux et remplit celles asséchées au cours de l’été.
De l’eau, de l’eau, de l’eau…
Et il fallait vraiment ça pour faire de cette première édition des Hospitaliers, un moment inoubliable et fort, si fort qu’au bout de quelques jours j’ai l’impression de ne pas avoir été mouillé.
Les hospitaliers 1ère version proposait donc 75km de sentiers et chemins variés sur le canevas de l’ancien parcours avec tout de même plus de 50% de nouveaux passages. A mon avis avec un maximum de 500 coureurs sur les prochaines éditions ils peuvent en trouver encore et encore, fini la piste à nous la monotrace, le sentier tout neuf débroussaillé de l’été précédent!!!
Quant au dénivelé, 4000 annoncé et sûr 3200 sur le terrain pour le reste je vous laisse découvrir ce petit moment de bonheur…
Me voilà donc vers 5h du matin en plein centre de Nant en train de garer mon camion juste à côté de la petite épicerie du village, tranquille. Ensuite direction le café pour finir l’échauffement devant un petit noir en attendant le départ, le ciel est étoilé par endroit, on a même vu la lune, mon seul vœu pour cette course sera donc exaucé, un départ au sec.
5h45, tout le monde se regarde, un peu perdu de voir si peu de monde mais on ressent clairement que la plupart des coureurs est là pour le plaisir de revenir sur un lieu cher à leurs cœurs. Beaucoup de respect, d’humilité, beaucoup d’applaudissements ensuite pour le speaker et les bénévoles présents sur le claux.
6h05, coup de fusil de chasse de monsieur le maire et c’est parti, un peu de route, puis un chemin et plus loin au bout de 4km une monotrace qui nous conduit jusqu’au Freycinet-haut puis Comberedonde, on laisse l’ancienne voie de chemin de fer sur la gauche pour une petite traversée sur le causse, les nuages s’amoncellent, le vent se lève avec le jour.
Des conditions qui nous annoncent simplement que la journée sera rude mais belle.
A peine le temps de prendre les premières petites gouttes que je plonge dans une forêt de buis et de châtaigniers, virages serrées, racines et pierres nous rapprochent un peu plus de Sauclières, que j’atteins sous un petit déluge me permettant d’admirer une quinzaine d’accompagnateurtrices sous un arrêt de bus ne pouvant en contenir que cinq, criant et encourageant nos flic-flocs encore alertes.
Ravito en eau sous la pluie et ruelles en ruisseaux, Sauclières est derrière nous, nos suiveurs également.
S’ensuit une descente rapide sur Saint Jean et les choses sérieuses commencent :
« le Saint-Guiral !!! Mesdames, messieurs, 1368 mètres d’altitude, 15 km d’ascension pour un dénivelé positif de 800 mètres, son début en sous bois plutôt raide puis ses variations sur les crêtes exposées au vent où la pluie ne tombe pas mais vous cingle le visage, une fin parce qu’il en faut toujours une marquée par un rocher magnifique quand le soleil brille et particulièrement invisible dans le brouillard. »
Un col !!!Mesdames messieurs ! Où un cycliste nourri au steack espagnol n’y poserait pas le boyau, mais des « promeneurs du dimanche » tels que mes compagnons de routes et moi-même SI…
Mais je m’égare une fois de plus, ce fut tout de même 2h40 d’intenses réflexions sur le fait que nous pratiquons un sport, somme toute relaxant, même quand on trouve qu’il y a un peu de vent, un peu de pluie, un peu de boue et de cailloux qui glissent ou, pire, qui se cachent sous les feuilles.
On réfléchit on réfléchit et hop petit pont de bois, remontée sous l’église, pas âme qui vive, un bénévole puis deux, la salle enfin.
Pleine, applaudissant, un peu trop à mon goût, mon arrivée détrempée dans un flic-floc beaucoup moins alerte, la présence de ma « trappist coach », le calme.
La soupe…
Et je pars, laissant le Suquet à ses brumes et son vent pour serpenter au dessus de la Dourbies jusqu’au serre du Cade. Il y tombe quelques gouttes mais la montée sera sèche et rude, presqu’un kilomètre les mains sur les genoux et les talons qui ne touchent plus le sol.
Le temps d’un magnifique panorama sur Trèves et les gorges du Trévezel, me voilà happé par la descente, pentue et boueuse au début puis glissant lentement sur la droite au dessus des falaises de la Baume Saint Firmin en un petit sentier entre les pins avant de rejoindre les bords de la rivière au milieu des buis et des racines.
Km 55, Trèves, enfin du monde ! Dehors ! Il ne pleut plus. Mais quelle désillusion, pas de pluie donc pas de monde dans la salle comme à Dourbies, où les femmes s’évanouissaient en nous voyant, moulés, mouillés dans nos petits collants….
Et voilà encore perdu dans mes pensées fatiguées par le chemin et le temps.
Toujours est il que 3mn après je franchissais le pont roman pour rejoindre, après une petite traversée de rivière, vous savez sèche l’été, mais pleine d’eau au moment où je décide d’y passer, et des devers pleins de boue ou pleins de petits cailloux, la fameuse montée de saint « supplice ».
J’avais décidé de la monter en rythme, en essayant de ne pas trop subir.
Alors ! Je l’attaquais. La pâte d’amande entre les dents.
Fin de la 1ère partie, passage de l’Aven noir, un compagnon devant, deux derrière, je relance quand soudain !
Un virage à droite puis un à gauche puis un bénévole à casquette et radio à la main nous dit gentiment : « Vous ne pouvez pas continuer, la descente de Perthusade en direction de Cantobre est trop glissante »
Bon j’exagère il n’a pas dit la descente de Perthusade mais c’est vraiment comme ça qu’elle s’appelle.
« Il faut redescendre à Saint Sulpice et rejoindre Cantobre par la route.»
Demi-tour, on discute, on rigole et on se dit simplement que l’on va rejoindre le ravitaillement du 67ème, tranquillement en peloton, un interlude dans l’épreuve, personne ne sachant trop ce qui se passe alors on profite de tout, du paysage, du ciel sans pluie et des autres avec qui l’on a échangé quelques paroles mais les monotraces, rencontrées jusqu’à présent, ne facilitent pas le dialogue.
Trois petits kilomètres plus loin, nous sommes accueillis chaleureusement dans la salle par une bonne odeur de crêpes, la table est toujours aussi bien garnie, on en regretterait presque, tellement l’ambiance entre coureurs est bonne, qu’il n’y ait pas une bonne petite mousse à partager.
Chacun discute de ce qu’il va faire pour la fin d’épreuve, on ne sait toujours rien, mais l’aventure partagée depuis ce matin est tellement agréable que le résultat ne nous préoccupe pas plus que ça.
Au bout de 10 minutes, je quitte Cantobre en direction de Nant à 8km de là, un ravin sec, une montée dans les sapins, un passage en corniche puis la forêt de chêne, son petit sentier caillouteux et le retour de la pluie…
Passage au Marthoulet moins d’un kilomètre et je serai sur les rebords de la falaise surplombant le village.
Le ciel est de plus en plus chargé, éclatant bientôt en gouttes de plus en plus grosses, Le Roc enfin un coup d’œil vers le bas pour ne voir que de la brume, l’ultime descente où les racines retiennent des flaques d’eau puis le sentier transformé en ruisseau longeant ce muret tant attendu, la Prade, son pont de pierre.
Sur le Claux peu de monde mais une certaine clameur s’échappe de la tente d’arrivée, m’encourageant comme si j’étais le premier. Le portillon est proche, un coup de tonnerre pour mettre un point final à cette aventure aveyronnaise.
9h18 de plaisir, de rencontres, de paysages magnifiques sur un parcours inédit, une première édition qui en appelle forcément d’autres.
Il fallait y être pour donner envie à tous ces bénévoles de continuer à nous amuser chaque dernier week-end d’octobre.
Il parait qu’il y a eu un incident de course, il parait même que les conditions climatiques étaient extrêmes, il parait qu’il aurait fallu un ravito solide avant Dourbie, il parait…il parait…
Une chose est sûre, la promenade était belle, authentique et dans le plus bel esprit du trail.